Dans la composition de son nouveau Conseil des ministres, le premier ministre François Legault a l’occasion de corriger une anomalie qui existe depuis quelques années et qui nuit à l’établissement de véritables relations « de Nation à Nation » entre l’État québécois et les peuples autochtones.

Quand, en 1978, René Lévesque a créé le Secrétariat aux affaires autochtones (qui s’appelait alors le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien et inuit), c’est le premier ministre qui en assumait lui-même la responsabilité.

Cette décision témoignait de l’importance qu’il accordait aux questions autochtones. C’était aussi une décision basée sur la logique voulant que cette institution ne soit pas un comptoir de services, mais ait plutôt le mandat de coordonner l’ensemble des activités gouvernementales en matière autochtone.

Le Secrétariat aux affaires autochtones (SAA) n’est pas un ministère. Il fait partie du ministère du Conseil exécutif, ministère qui relève directement du premier ministre. De plus, le mandat du SAA, soit de « coordonner toute l’action gouvernementale en milieu autochtone » et « d’assurer la cohérence dans les politiques, les interventions, les initiatives et les positions des divers ministères et organismes du Québec engagés dans cette action », rend inévitable le rattachement au bureau du premier ministre. Enfin, l’essence même de l’expression « relations de Nation à Nation » n’a de sens que si, du côté de l’État québécois, ces relations sont sous la responsabilité du premier ministre.

Après René Lévesque, même si le gouvernement a créé la fonction de « ministre délégué aux Affaires autochtones », le premier ministre est demeuré le ministre responsable des questions autochtones jusque dans les années 2003. Depuis, les gouvernements ont créé des « ministres responsables » des Affaires autochtones. Le premier à le faire fut Bernard Landry. Alors qu’il venait de conclure la Paix des braves avec la Nation crie, il a décidé de nommer deux ministres des Affaires autochtones, un « ministre responsable » et un « ministre délégué ».

Les gouvernements suivants ont laissé tomber le ministre délégué pour ne conserver que le ministre responsable, comme si le SAA était un ministère. Cette décision a assurément nui à la mission du Secrétariat, son porte-parole n’ayant qu’une voix parmi tant d’autres au Conseil des ministres.

Quand le porteur du dossier à la table du Conseil des ministres est le premier ministre, on peut s’imaginer que son influence est bien différente lorsqu’il y a lieu de convaincre ses collègues d’adopter des politiques qui peuvent ne pas nécessairement être dans l’intérêt d’un ou plusieurs ministères.

Pensons au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, entre autres. La complexité de certains enjeux nécessite souvent des arbitrages entre différents ministères qui deviennent beaucoup plus faciles à réaliser lorsque la responsabilité incombe à la plus haute fonction gouvernementale et ses représentants.

À la veille de composer son Conseil des ministres, François Legault a ainsi l’occasion idéale de corriger cette situation et de confirmer son engagement, réitéré lors de la campagne électorale, de conclure des « ententes de relations de Nation à Nation » avec les peuples autochtones. À l’instar de René Lévesque, il peut lui aussi conserver la fonction de ministre responsable des Affaires autochtones et nommer un ministre délégué pour l’appuyer dans cette tâche.

Bien sûr, cela ne doit pas être que symbolique. L’implication du premier ministre et de son bureau est fondamentale pour l’avenir des relations entre l’État et les peuples autochtones. Des relations de Nation à Nation ne peuvent réellement se concrétiser que si elles sont sous la responsabilité des chefs de ces nations.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion