Au cours des dernières semaines, on a abondamment parlé de la baisse de consommation des contenus audiovisuels québécois et francophones par les jeunes, au moment même où le Sénat étudie le projet de loi sur la diffusion continue en ligne (C-11). Rappelons que ce projet de loi vise à faire contribuer les plateformes numériques au financement et à la mise en valeur de notre culture.

Si les plateformes telles Netflix ou Amazon ont changé notre manière de consommer de la télé, les Spotify, Apple et YouTube ont aussi modifié notre manière de consommer de la musique. À l’heure où l’offre de contenus musicaux n’a jamais été aussi abondante, il n’a jamais été aussi difficile pour un artiste québécois de rejoindre son public, encore davantage les plus jeunes.

Certains se remémorent avec nostalgie l’époque où presque tous les jeunes écoutaient religieusement MusiquePlus pour découvrir les dernières nouveautés et se rendaient ensuite chez leur disquaire favori pour se procurer le dernier album de leur artiste préféré.

Plusieurs se rappellent encore aujourd’hui les paroles de Jean Leloup, Roch Voisine ou des BB, parce que ces musiques sont associées à tant de souvenirs — elles font partie de notre histoire.

Comme l’illustre l’effondrement des ventes d’albums depuis 20 ans, la manière dont la musique se consomme s’est transformée, tout comme les choix musicaux. Sur l’ensemble des plateformes, streaming comme médias sociaux, nos artistes sont directement mis en concurrence avec des vedettes internationales qui bénéficient de budgets de commercialisation et de promotion face auxquels il est difficile de rivaliser. Ce sont d’ailleurs ces mêmes artistes qui dominent les écoutes en streaming à l’échelle mondiale et captent l’essentiel des revenus.

Musique et téléphone intelligent

Pour mieux comprendre la manière dont les Québécois et Québécoises découvrent et consomment la musique, l’ADISQ a mandaté, le printemps dernier, la firme Léger pour sonder la population. Une attention particulière a été portée aux 13 à 17 ans, car c’est à cet âge que les goûts musicaux se forment et que les habitudes s’ancrent.

Les résultats de cette étude confirment que les jeunes écoutent de la musique principalement (84 %) à partir de leur téléphone intelligent sur lequel sont installées leurs applications favorites de musique et de médias sociaux.

Les lieux de découverte évoluent également. Toujours chez les 13 à 17 ans, c’est le service de suggestions musicales de YouTube qui arrive en tête de liste (45 %) pour découvrir des nouveautés.

Fait encourageant, une majorité de ceux-ci (57 %) disent aimer se faire proposer de la musique québécoise en français par les services d’écoute.

De plus, l’étude de Léger révèle qu’alors que 78 % de la population explique écouter souvent de la musique québécoise francophone, ce pourcentage tombe à 60 % chez les 13-17 ans. Ce chiffre illustre un attachement encore important de cette tranche d’âge à notre musique, chiffre qui se reflète d’ailleurs dans le succès d’artistes tels que Fouki, Roxane Bruneau ou Émile Bilodeau. Toutefois, il est également révélateur d’une tendance qui se dessine, celle d’une certaine perte d’intérêt pour nos artistes, un effet direct de la baisse d’exposition à nos musiques.

Contrairement à un discours très répandu, l’arrivée de plateformes numériques pour la consommation musicale n’offre pas à tous les artistes les mêmes chances de percer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui au Québec, en streaming, les chansons francophones d’artistes québécois ne captent que 5 % des parts d’écoute. En guise de comparaison, les ventes d’albums généraient quant à elles des parts de marché de l’ordre de 50 % pour la musique québécoise en français. Ce succès résulte en grande partie des effets de la Loi sur la radiodiffusion qui a permis la mise en place de quotas à la radio. Autrement dit, lorsque les Québécoises et Québécois y sont exposés, ils aiment notre musique et choisissent de la consommer.

Aujourd’hui, le projet de loi C-11 vise à corriger cette tendance. Il ne s’agit pas ici de réduire le choix des utilisateurs des plateformes, bien au contraire. Il vise plutôt à offrir, particulièrement aux plus jeunes, l’occasion de rencontrer nos artistes, nos musiques. La musique occupe un rôle central dans la construction des identités personnelles et collectives et nous souhaitons que les musiques d’ici puissent continuer d’y contribuer.

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