La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) fête cette année ses 50 ans. En 1972, le Québec se plaçait en précurseur en adoptant cette loi qui visait la protection de l’environnement. La LQE a été modifiée à plusieurs reprises et a fait l’objet d’une réforme en profondeur en 2017.

Malgré tout, force est de constater qu’il y a un enjeu environnemental majeur dont la prise en compte demeure déficiente : les impacts cumulatifs des projets et activités réalisés sur notre territoire. Les impacts cumulatifs sont des changements dans l’environnement qui sont causés par les interactions des activités humaines et des processus naturels qui s’accumulent dans le temps et l’espace.

Pourquoi est-ce un enjeu environnemental majeur ?

La LQE permet qu’une activité considérée comme à faible risque pour l’environnement se réalise par le dépôt d’une déclaration de conformité. Le promoteur y déclare que son projet est conforme aux lois et règlements, sans évaluation par le ministère de l’Environnement. La multiplication d’activités réalisées ainsi est préoccupante puisqu’aucun mécanisme ne permet la prise en compte adéquate des impacts cumulatifs de ces activités lorsqu’elles se réalisent dans un même milieu. Sans cela, comment s’assurer que ces activités présentent véritablement un risque faible pour l’environnement ?

Certains projets semblent être pensés en fonction des seuils d’assujettissement réglementaires. Par exemple, certains projets peuvent être scindés pour être autorisés par l’entremise d’une autorisation ministérielle plutôt que d’être soumis à une procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement. C’est ce qu’ont dénoncé des résidants de Saint-Adelphe concernant un mégaprojet de porcherie.

Dans certaines régions, les projets industriels se multiplient et les effets cumulés de ceux-ci inquiètent la population puisque leur prise en compte semble échapper au processus décisionnel.

C’est notamment le cas du secteur L’Assomption-Sud–Longue-Pointe dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, alors que plusieurs projets y sont prévus.

Dans certains villages et villes, le développement se fait à proximité d’activités qui émettent des contaminants, alors que les municipalités ont peu de moyens de considérer les enjeux environnementaux cumulés dans leur planification territoriale. Le développement de la ville de Rouyn-Noranda autour de la Fonderie Horne en est un exemple.

Comment corriger la situation ?

Plusieurs solutions peuvent être proposées pour mieux considérer les impacts cumulatifs. À notre avis, la mise en place d’une évaluation environnementale régionale est l’option la plus prometteuse.

L’évaluation environnementale régionale (EER) permettrait de tracer un portrait environnemental complet d’une région pour déterminer les sensibilités et particularités des milieux et des écosystèmes. L’EER s’inscrirait dans une démarche visant à acquérir une connaissance préalable du territoire, essentielle à un développement véritablement durable.

Une telle évaluation permettrait d’avoir une meilleure vision des impacts que peuvent avoir les développements et les activités sur une région entière et sur des écosystèmes. Elle permettrait d’aller au-delà d’une évaluation par projet.

L’EER soutiendrait une prise de décision éclairée par les acteurs publics et bénéficierait aussi à la population qui connaîtrait mieux l’état de son milieu de vie et aux promoteurs qui pourraient mieux planifier l’implantation de leurs activités.

Une solution réaliste

Le droit québécois ne prévoit pas à l’heure actuelle la possibilité de mener une EER. La LQE permet la tenue de deux types d’évaluation environnementale : la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, qui permet d’évaluer les impacts d’un projet précis, ainsi que l’évaluation environnementale stratégique, qui vise des documents de l’Administration. La LQE prévoit une procédure particulière pour chacune de ces formes d’évaluation environnementale. La procédure de l’évaluation environnementale stratégique est celle qui offre le modèle le plus intéressant duquel s’inspirer pour mettre en place une procédure d’EER.

Un outil de planification territoriale et environnementale

Le portrait tracé par une EER pourrait être utilisé par le ministère de l’Environnement lors de l’analyse de projet, par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, par les communautés métropolitaines, les MRC et les municipalités dans la planification territoriale. Même le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles pourrait s’en servir dans la planification qui lui revient.

Plusieurs données territoriales sont amassées par différents acteurs (ministères, municipalités, MRC, etc.). Par exemple, les MRC doivent développer des plans régionaux des milieux humides et hydriques et des plans directeurs de l’eau. L’EER permettrait d’assurer la convergence et la cohérence dans l’utilisation de ces outils. C’est un élément essentiel pour construire des milieux de vie complets, durables, inclusifs et verts – vision portée par la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire.

Le gouvernement du Québec souhaite rapidement mettre en œuvre cette politique. Benoit Charette, alors ministre de l’Environnement, a réitéré lors d’un débat sur l’environnement le 24 septembre dernier l’intention du gouvernement que cette mise en œuvre soit l’objet du premier projet de loi qui sera déposé.

Il est temps de faire preuve de créativité et de mettre en œuvre des outils innovants, inspirés des meilleures pratiques, pour répondre aux besoins des populations et aux enjeux environnementaux grandissants.

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