Au cours de la campagne électorale qui vient de se terminer, de nombreuses énormités ont été dites sur la question de l’immigration. En plus des désolants propos tenus par Jean Boulet et François Legault lui-même, à savoir que la majorité des immigrants ne s’intègrent pas et qu’il serait suicidaire d’en accueillir plus de 50 000, nous avons assisté à un véritable combat des chiffres sur la capacité d’accueil du Québec.

C’était assez pitoyable de voir les personnes immigrantes instrumentalisées de la sorte par les différents partis politiques. Parce qu’au-delà des chiffres et des discours mensongers, il y a de vraies personnes. Et que, on va se le dire, il est souvent gênant de voir le sort qu’on leur réserve après leur arrivée au Québec. En tant qu’organisme de défense des droits qui accompagne des personnes aux prises avec des difficultés financières, nous prenons la parole aujourd’hui pour dénoncer les conditions dans lesquelles, collectivement, nous acceptons de laisser de (trop) nombreuses personnes immigrantes.

Quand les chiffres cachent les humains…

Des histoires, on pourrait vous en raconter plein. Évidemment, les personnes immigrantes ne forment pas un groupe homogène. Les parcours sont divers. Les motivations aussi. De belles histoires, il y en a beaucoup. Il ne faudrait toutefois pas oublier la réalité vécue par les plus précaires d’entre eux. Et ils sont plus nombreux qu’on pense.

C’est le cas, par exemple, de Maria* qui vit au Québec depuis 2020. Ayant le statut de personne protégée, elle attend son numéro d’assurance sociale depuis plus d’un an. Sans ce précieux numéro, elle ne peut pas recevoir les allocations familiales pour ses deux jeunes enfants âgés de deux ans et demi et de quelques mois. Comme elle ne peut pas travailler, c’est son conjoint (travailleur à temps partiel avec un statut précaire) qui subvient tant bien que mal aux besoins de la famille. En raison d’un retard de loyer (leurs revenus sont nettement insuffisants), elle craint de se retrouver à la rue. Elle continue d’allaiter son enfant de deux ans et demi parce qu’elle n’a souvent rien à mettre sur la table. Imaginez-vous le niveau de stress et de détresse qu’elle vit chaque jour ?

Comment peut-on, comme société, accorder le statut de personne protégée à quelqu’un et du même coup la laisser vivre dans des conditions de précarité extrême ?

Moustafa*, quant à lui, a déposé une demande humanitaire. En raison de son statut d’immigration, ses médicaments ne sont pas couverts par la RAMQ. Pourtant, souffrant de problèmes rénaux (il fait de la dialyse trois fois par semaine) et de problèmes cardiaques, il risque chaque jour de mourir s’il n’arrive pas à acheter les médicaments qui lui coûtent 300 $ par mois. La solidarité ne fait-elle donc pas partie des précieuses valeurs québécoises si chères à la Coalition avenir Québec ?

Ce ne sont là que deux cas récents, et nous pourrions facilement allonger cette liste tant ce genre de situations nous est familier.

Pour une société qui n’exclut personne

Chaque année, nous recevons au Québec des dizaines de milliers de personnes qui contribuent, chacune à leur façon, au développement et à l’amélioration de notre société. De nombreux secteurs d’activité dépendent de cette main-d’œuvre pour fonctionner. Malgré cela, trop souvent, nous les laissons tomber. C’est « débrouille-toi » dans les dédales administratifs et « sors ton portefeuille », car le processus d’immigration est extrêmement coûteux.

Combien d’« anges gardiens », par exemple, ont risqué leur vie pendant la pandémie dans les hôpitaux et les centres de soins de longue durée pour ensuite se voir refuser l’asile ?

François Legault répète à qui veut l’entendre que le Québec n’est pas raciste. Nous lui demandons d’en faire la preuve en permettant à chaque personne de vivre dans des conditions décentes et dignes. Le gouvernement du Québec ne cesse de demander à Ottawa plus de pouvoir dans le choix de ses immigrants. Il devrait plutôt faire pression pour que le processus soit accéléré et plus inclusif. François Legault doit arrêter de se cacher derrière le gouvernement fédéral pour justifier son inaction. Ces personnes vivent au Québec. Il est de sa responsabilité de s’assurer que les personnes immigrantes (avec ou sans statut) aient accès aux mêmes services et programmes, et se voient reconnaître les mêmes droits que l’ensemble de la population québécoise.

* Prénoms fictifs

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