Je suis un fier Québécois. Et je suis un immigrant. Les deux à la fois. C’est qui je suis, et je ne me suis jamais senti différent des autres avant cette campagne électorale. Les Québécoises et les Québécois m’ont accueilli les bras ouverts et m’ont appris la tolérance et l’ouverture. Sur l’enjeu de l’immigration, certains de nos politiciens ont récemment dérapé à un point tel que je ne reconnais plus mon Québec.

Originaires d’une minorité chrétienne d’Égypte, mes parents ont choisi d’immigrer au Québec pour offrir un meilleur avenir à leurs trois jeunes enfants. J’avais 10 ans quand notre avion a atterri à Mirabel. C’était en 1989. Tout un changement pour l’enfant que j’étais. Je me souviens comme d’hier de ma première neige : c’était magique. Et que dire de ma première dégustation de tire d’érable (je n’en suis toujours pas complètement revenu, d’ailleurs) !

J’ai passé par les classes d’accueil pour apprendre le français. J’ai eu la chance de fréquenter d’excellentes écoles, gracieuseté du système d’éducation publique québécois. Au secondaire, j’ai appris Félix Leclerc et j’ai toujours cru — et je crois encore – que c’est de moi aussi qu’il parle lorsqu’il chante Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé.

Tout au long de mes études, j’ai côtoyé des gens venant des quatre coins du monde et des quatre coins du Québec. Mon meilleur ami au secondaire, Jean-Philippe, m’a introduit à sa Rivière-du-Loup natale. Je me souviens de la délicieuse tourtière que nous a cuisinée sa mère. On a ensemble gagné le concours national l’Expo-sciences à Trois-Rivières. Ce jour-là, on a célébré notre prix — et notre amitié — dans un restaurant libanais. Jean-Philippe raffole de tahini.

Oui, ma peau est toujours restée plus foncée que la sienne. Oui, mon nom de famille toujours plus douloureux à prononcer — et à entendre ! — que le sien. Et oui, je roule encore mes « r » (je vous jure que c’est impossible à changer !). Mais il n’y a pas eu un instant, un seul jour, depuis que je suis arrivé au Québec où j’ai senti que cela était d’une quelconque importance.

Le système scolaire québécois m’a donné la chance de grandir et devenir qui j’aspirais être. J’ai fait mes études en médecine, en partie dans le réseau anglophone et en partie dans le réseau francophone : expositions autant différentes qu’enrichissantes.

J’ai fait ma spécialité en oncologie médicale à Vancouver grâce à une bourse accordée par le Québec. J’ai ainsi pu apprendre des choses nouvelles et en faire profiter les patients québécois à mon retour. Car la différence enrichit.

J’ai toujours vécu à Montréal (n’en déplaise à notre ministre sortant de l’Immigration !). Mais durant ma formation et pendant mes premières années de pratique, j’ai travaillé à Chicoutimi, à Joliette, à Cowansville et à Chibougamau. Je me suis même rendu jusqu’à Matagami et à Lebel-sur-Quévillon pour former des techniciens de laboratoire en hématologie. Partout où je suis allé, je me suis senti chez moi.

Mon Québec est grand et je l’aime.

Je travaille comme hémato-oncologue à la Cité-de-la-Santé de Laval, une ville particulièrement cosmopolite. J’adore mon travail. Je traite des patients de toutes les couleurs, provenances, religions, croyances, etc. Face à la maladie, nous sommes tous drôlement égaux. Jamais je n’ai senti que ma couleur, mon nom ou mon accent m’empêchent d’établir un contact humain et authentique avec mes patients, peu importe leur couleur, leur nom ou leur accent.

Face à la maladie, ces superficialités deviennent futiles. On se ressemble bien plus que nos politiciens semblent vouloir nous faire croire.

Oui, il faut bien intégrer les nouveaux arrivants et il faut protéger le français. Quoi qu’en dise notre ministre sortant de l’Immigration, on a toujours réussi à le faire. La grande majorité des immigrants travaillent et parlent français. Si l’on observe des tendances défavorables dans les dernières années, ce n’est certainement pas en tenant des propos incendiaires — sinon carrément mensongers — que l’on parviendra à corriger quoi que ce soit. Je crois même qu’on risque de faire exactement le contraire. Si diviser est payant politiquement à court terme, à long terme, c’est jouer avec le feu.

Je crois fermement que nous sommes, tout un chacun, privilégiés de vivre au Québec, que l’on y soit établi récemment ou depuis plusieurs générations. Quelques minutes d’écoute du bulletin quotidien d’information internationale suffisent pour nous rappeler que l’immense majorité des 7,9 milliards d’hommes et femmes sur la planète aujourd’hui troqueraient leur place pour la nôtre. En un clin d’œil.

Célébrons ensemble notre belle province. L’ouverture et l’inclusion sont des valeurs fondamentalement québécoises. Ne changeons pas. Il n’y a rien de mal à aimer à la fois la tourtière et le tahini. Le Québec est riche, riche de chacun et chacune de ses Québécois et Québécoises.

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