Il est relativement dommage que l’attention politique et médiatique pour les enjeux environnementaux durant la campagne électorale se concentre principalement autour d’objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) et du troisième lien.

Si ces deux questions sont certes cruciales, la question environnementale est beaucoup plus large et affecte la qualité de vie des citoyens, notre économie et la santé des écosystèmes. Parmi les grands thèmes qui passent sous le radar, celui des matières résiduelles en est un des plus importants.

La gestion des matières résiduelles va bien au-delà de ce que chaque individu peut faire par ses actions de recyclage et de compostage. Des orientations et décisions gouvernementales sont cruciales pour aider la société québécoise à se prendre en main avec la gestion de ses déchets et de son énergie.

Il faut d’abord poser quelques constats, qui démontrent à quel point un rattrapage et un changement de direction s’imposent.

D’abord, avec trois quarts de tonne par individu par année, les Québécois sont les plus grands producteurs de déchets par habitant au Canada et parmi les plus importants du monde. Malgré les efforts de collecte sélective (recyclage et compostage) implantés dans les 30 dernières années, cette tendance est en constante évolution. Les sites d’enfouissement débordent partout au Québec et une part significative de matières recyclables mal triées part en Inde ou encore est éliminée, comme pas moins de 6,16 millions de tonnes de déchets chaque année au Québec. Une augmentation nette d’enfouissement de déchets que déplorait le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) en janvier dernier dans un rapport accablant. Ceci sans oublier que les déchets du Québec émettent également une grande quantité de GES, soit pas moins que 8 % du total des émissions de la province, avec 6,7 millions de tonnes par année, et avec la plus forte progression sectorielle.

Une grande partie du problème réside notamment dans le manque de cohérence entre les politiques et les programmes gouvernementaux.

Alors que le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles préconise la production d’énergie renouvelable, le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (MELCC) demande une production de compost retourné dans les champs et les villes veulent le plus bas prix possible et sont obligées d’aller en soumission pour toute dépense significative. Au cœur de ce nœud gordien, les entrepreneurs s’essaient à proposer des solutions qui atteignent tous ces objectifs.

Depuis 30 ans, la solution mise de l’avant par le gouvernement et les principaux acteurs du milieu vise le citoyen. S’il ne faut pas dédouaner la population de ses responsabilités, si l’on continue à appliquer toujours les mêmes solutions, le résultat sera similaire. Il faut donc continuer les efforts actuels, mais y ajouter une nouvelle approche radicalement différente et complémentaire qui permettra d’inverser la tendance.

Les pistes de solution sont pourtant multiples. Bien sûr la réduction à la source et les efforts pour y arriver, comme l’instauration du principe pollueur-payeur, est un angle nécessaire, mais des solutions techniques et une révision de la gouvernance du secteur sont toutes aussi cruciales.

Parmi les pistes de solution, l’interdiction de l’enfouissement des déchets sans traitement préalable devrait être considérée sans délai. Cette pratique équivaut à enfouir de l’eau, des matières recyclables, de l’énergie et de la matière compostable de qualité. Même lorsque la collecte du recyclage et des matières organiques est implantée, les gens continuent de jeter des matières de valeur. L’enjeu est d’être capable de les séparer et de les nettoyer pour leur donner une deuxième vie. Il existe des technologies qui permettent d’ouvrir les sacs de déchets et d’en sortir environ la moitié des matières, c’est probablement la seule manière réaliste, mature et financièrement efficace de réduire significativement les besoins en enfouissement.

Québec doit aussi se demander comment favoriser les projets de valorisation énergétique plutôt que l’enfouissement.

Actuellement, le MELCC semble très réticent à la valorisation énergétique et aucun règlement n’encadre cette activité que l’on compare faussement à de l’incinération. La valorisation énergétique est pourtant une pratique socialement et environnementalement plus acceptable que l’enfouissement.

En ce sens, on peut se demander pourquoi subventionner les activités de compostage quand la biométhanisation est possible. En faisant encore la promotion du compostage, on capte les volumes de matières organiques qui pourraient être destinés à des projets de biométhanisation, dans une double perspective de production d’énergie verte et d’économie circulaire.

Nous pensons que le prochain gouvernement devrait favoriser des approches techniques et scientifiques plutôt que de rester cantonné dans le dogme que chaque petit geste compte. Moins de déchets, plus d’énergie verte, au meilleur coût possible, tout cela est possible et rapidement implantable. Cela favoriserait la créativité des entrepreneurs et des acteurs municipaux qui sont sur le terrain en train d’opérationnaliser toute la filière.

L’atteinte d’une saine gestion des déchets se fera plus rapidement avec quelques grandes initiatives plutôt qu’en attendant huit millions de petits gestes quotidiens.

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