Je ne suis pas une experte de la politique iranienne et je ne veux pas lancer une polémique sur le port du voile, que je respecte lorsqu’il est un acte volontaire.

Comme beaucoup de personnes d’origine iranienne, je suis bouleversée en regardant les images de ces femmes qui se battent pour un droit fondamental : celui de pouvoir refuser le port du voile. Mon cœur saigne en voyant ces jeunes filles tomber sous les balles de cette dictature islamiste. Comment rester insensible en voyant les images de Mahsa Amini dont la vie a été subitement volée, parce qu’elle ne portait pas assez bien son voile.

Personnellement, c’est à l’âge de 8 ans que j’ai pris conscience de la volonté de l’État iranien d’imposer le port du voile aux femmes.

Je marchais alors dans la rue avec ma mère. Je n’étais pas voilée et je portais du vernis à ongles. Nous nous sommes fait arrêter par une gardienne de la révolution (la police des mœurs armée). Elle m’a regardée et a demandé mon âge à ma mère. Celle-ci a répondu que j’avais 8 ans. J’étais terrifiée et je me cachais derrière elle. La gardienne de la révolution a alors dit à ma mère : « C’est presque une femme et elle doit aussi porter le voile à l’extérieur de l’école. » Elle a ensuite rajouté : « Et enlevez-moi ce vernis, vous devriez avoir honte. »

Mes souvenirs d’enfance sont parsemés de moments où j’ai ressenti de la colère chez ma mère. Comme lorsque je rentrais de l’école et qu’elle m’arrachait le voile de la tête pour défaire les multiples nœuds que celui-ci avait occasionnés.

Aujourd’hui, c’est à mon tour d’être la mère d’une fille, et je comprends d’autant mieux sa colère.

PHOTO RICHARD TOMKINS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Manifestation de femmes iraniennes pour l'égalité des droits, à Téhéran, en 1979

Quarante ans de colère

Il s’agit de la même colère que portent la plupart des femmes iraniennes depuis plus de 40 ans. Elles ont beau avoir été forcées à respecter un code vestimentaire islamique, ces femmes ont pourtant toujours résisté. Elles ont laissé paraître leurs cheveux, ont continué à investir les universités et les lieux de travail. Génération après génération, les femmes iraniennes ont résisté, à leur façon.

Mais aujourd’hui, cette résistance a atteint un nouveau stade.

De plus en plus de femmes iraniennes défient ouvertement le régime islamiste et sa police armée en s’attaquant à son symbole le plus fort et le plus visible : le voile islamique.

Cette résistance trouve d’ailleurs écho à l’intérieur de toute la population iranienne, notamment les hommes qui ont joint leurs voix à celles des femmes. Cette colère arrive aussi dans un contexte socioéconomique difficile où la mauvaise gestion met le régime en place sur la sellette.

Cette lutte, c’est aussi la nôtre. C’est celle des droits de la personne. Et dans ce sens, nous devons tous être solidaires de ces femmes qui ne reculent devant rien pour défendre leurs droits.

Nous avons affaire à un régime qui n’hésite pas à tuer ses propres citoyens en toute impunité, tout en maintenant une belle image à l’international. Face à cela, il est primordial de continuer à amplifier la voix de ces femmes courageuses, de s’informer, de montrer sa solidarité sur les médias sociaux pour que nos décideurs sachent que nous ne détournerons pas le regard.

Faisons en sorte que le sacrifice de ces femmes ne soit pas vain.

« Femme, vie, liberté. » Le cri de ralliement des manifestants en Iran doit s’entendre et s’amplifier au sein de nos sociétés, jusqu’à faire trembler les murs du régime des mollahs.

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