« C’est un changement de culture qu’on est en train de faire dans l’hébergement pour nos personnes âgées. » C’est ainsi que s’exprimait Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés, lors d’une visite du chantier de la maison des aînés de Rivière-du-Loup le 6 juillet 2021. Et l’année précédente, en 2020, au moment de l’annonce du projet, on y allait de la projection suivante : « Ce site permettra d’offrir aux résidants un milieu de vie à dimension humaine. »

Jouxtant la rivière du Loup, le site est en effet exceptionnel. La Ville de Rivière-du-Loup y avait déjà envisagé l’implantation d’un écoquartier il y a quelques années. On y parlait de logements abordables, de mettre en œuvre des mesures de lutte contre les îlots de chaleur, d’intégration des technologies vertes du bâtiment, de stationnements réduits et en souterrain, de rues étroites et végétalisées.

C’est malheureusement à une autre réalité à laquelle se heurteront les premiers résidants de la maison des aînés, dont l’arrivée est prévue dans quelques semaines à peine. Ils découvriront en effet un bâtiment immense, disproportionné par rapport aux résidences du quartier, entouré d’une mer d’asphalte et d’une centaine de cases de stationnement. Ainsi, sur trois des façades, les chambres donneront directement sur ces stationnements ou sur des aires ou des voies de service, elles aussi macadamisées.

PHOTO FOURNIE PAR L'AUTEUR

La cour intérieure de la maison des aînés de Rivière-du-Loup, côté sud. On voit les grilles d’aération en haut à droite.

Heureusement, nos aînés auront la chance de prendre l’air de temps à autre. Mais oubliez cette vision idyllique qu’on peut avoir lorsqu’on songe, par exemple, à des films ou à des séries où l’on découvre des personnes âgées se déplaçant calmement dans leur fauteuil roulant au milieu de jardins luxuriants.

Ici, c’est à l’intérieur de cours refermées par une grille et amplement bétonnées, comme à l’intérieur de la cage d’un zoo, que nos parents et grands-parents pourront chercher à respirer un peu d’air pur.

Pas certain qu’ils apprécieront.

La cour intérieure sise du côté sud est en effet flanquée d’une tour abritant les modules des systèmes de climatisation et d’aération de l’immeuble. Il s’en dégage un bruit constant, harassant, amplifié du fait que cette cour est aux trois quarts enclavée entre les murs de l’édifice qui s’érigent sur trois étages. Les résidants des maisons du voisinage n’apprécieront certes pas, eux non plus, cette rumeur constante venant perturber leur quiétude. Bravo aux architectes et aux ingénieurs, voilà un concept songé et bien réfléchi !

Du côté nord de la maison des aînés de Rivière-du-Loup, où se situe la seconde cour intérieure, elle aussi grillagée, on devrait normalement pouvoir jouir d’une vue exceptionnelle. Cette façade donne en effet sur le fleuve et les montagnes de Charlevoix. Mais vraiment pas chanceux, nos aînés. Une corporation répondant au nom de Groupe Medway, gestionnaire de cliniques médicales et promoteur immobilier, y envisage un projet d’envergure, contesté par ailleurs par nombre de résidants de Rivière-du-Loup.

Il est en effet question d’un immeuble de neuf étages dont les trois premiers seront consacrés à des espaces commerciaux et les six autres à des condos locatifs. Le complexe comprendra deux étages de stationnement souterrain pour une surface totale pouvant accueillir 400 cases. On peut imaginer un peu la circulation, le va-et-vient constant, le bruit et l’achalandage, et ce, à moins de 12 mètres de notre maison des aînés. Et cela, sans compter les deux ans de travaux, une excavation monstre, le bruit, la poussière…

Hélas, on est bien loin des beaux principes de l’écoquartier, d’un « milieu de vie à dimension humaine ». Et pas certain que ce « changement de culture » envisagée par la ministre Blais est celui dont rêvent les 96 aînés et « 24 adultes ayant des besoins spécifiques » qui s’installeront bientôt dans ce beau complexe pour lequel, nous, les contribuables, aurons versé plus de 78 millions de dollars.

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