Dans une semaine, nous saurons qui nous représentera à l’Assemblée nationale pour les quatre prochaines années. Ces élections seront mémorables en ce sens que cinq partis principaux s’affrontent, que cinq chefs proposent leur vision.

Il est de plus en plus difficile de dire, comme à l’époque du bipartisme, qu’ils ne nous ressemblent pas, que leurs idées ne sont pas les nôtres. Ces cinq chefs dessinent les contours du Québec. On a coutume de dire que le Québec forme une grande famille. Dans la personnalité des cinq chefs, on pourrait lire notre psyché collective, décoder un bout de notre ADN allégorique.

Analysons les membres de la famille électorale.

François Legault est le père. Le pourvoyeur. Quand tout va, il est aimable et direct. Malgré sa fortune, il demeure accessible, s’émerveille du fromage en grains, s’exprime en mots simples et réconfortants – « ça va bien aller » –, alors que sa position sur la question nationale est, elle, ambigüe.

Il nous infantilise un peu, est parfois un peu mononc, mais on se reconnaît dans sa balourdise. Son pire adversaire est lui-même.

Il chérit sa gang de vieux chums comptables, et un aréopage de conseillers le nez collé sur les sondages gèrent son agenda. Ces derniers temps, il est bougon, maussade. Pas certaine qu’il ne songe pas à la retraite. Son calme a fait des miracles en temps de crise, mais les plus jeunes le trouvent daté.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Éric Duhaime (Parti conservateur, de dos), Paul St-Pierre Plamondon (Parti québécois) et Gabriel Nadeau-Dubois (Québec solidaire) lors du débat des chefs du 22 septembre

La grande famille compte deux fils : GND, l’ex-enfant terrible, et PSPP, le sage réfléchi. Le cadet a un passé tumultueux : dans sa vingtaine, il manifestait tous les soirs et haranguait les foules. Il s’est depuis assagi, arbore le complet, mais se tient quand même avec des individus à l’idéologie acérée qui parlent en concepts orange ! Gabriel s’autoproclame fils damné et guerroie contre le Père au grand jour, rêvant du moment où il dirigera la famille.

Paul, l’aîné, est très complexe. Il a déjà cru être un orphelin politique, et rêve de quitter la maison familiale. Ni folklorique ni amer, c’est un gentil, plus réservé que son frère. Il doit se faire un prénom. Il faut savoir que les deux garçons n’ont pas la même mère, que Paul est l’héritier d’une famille de légende, qui a déjà beaucoup fait fantasmer, mais qui vit ces années-ci la débâcle. (Ce qui explique la position ambiguë du Père face à ce fils qui rêve d’indépendance.) Cette branche ancestrale est perçue comme un brin ringarde et on ne la fréquente ouvertement que lors du méchoui du 24 juin.

La cousine Dominique est sympathique, agréable et dynamique. Elle s’est émancipée de son oncle François, dont elle a autrefois dirigé la business.

Elle a repris l’entreprise de son père, le PLQ, un holding jadis puissant, mais qui tombe aujourd’hui en ruine, sauf dans l’Ouest-de-l’Île. On la sent d’ailleurs mal à l’aise, trop moderne pour ses troupes conventionnelles, parfois plus près idéologiquement de son jeune cousin Gab. Dans ses pimpants habits rouges, elle s’agite, victime d’un timing épouvantable, liée dorénavant à une branche de la famille que le Québec délaisse.

Il y a aussi Éric, le cousin éloigné. Il a un passé tumultueux. Extrêmement habile, c’est une grande gueule un peu geignarde, un véritable libertarien. Aussi charismatique que son cousin Gab, il se targue de parler au vrai monde… comme le grand-oncle François ! Il se prétend radicalement différent, mais a des airs de famille. Racoleur, beaux habits à la mode, Éric adore courtiser les foules en pick-up, il exagère et provoque. Il est paradoxal, et inquiète une partie de la famille. Le Père s’en méfie, à juste titre. Car si GND est son rival désigné ; son âme damnée est probablement le cousin de Québec.

Le Père verra son autorité reconduite le 3 octobre. Mais les autres membres de la famille sont à peu près à égalité dans le cœur des Québécois. Chacun parle à une part de nous. Toutefois, dans la prestigieuse Maison du Peuple dont François renouvellera le bail lundi, toutes les pièces ne seront pas également distribuées. Certains auront leur chambre au sous-sol, d’autres dans l’aile ouest, tandis que papa se pavanera au grand salon d’apparat.

Mais le plus significatif demeure que si ces cinq figures traduisent une certaine idée de la famille québécoise, elles ne seront plébiscitées que par la moitié de la population, le reste boudant les rassemblements familiaux aux quatre ans. Le Québec est avant tout une famille un peu démissionnaire…

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