Soyons directs : le tabac tue 13 000 Québécois chaque année. C’est presque autant que ceux qui sont décédés de la COVID-19 en trois ans (2020, 2021 et 2022, soit 16 426). Il s’agit de la première cause de maladies et de décès évitables, qui accapare d’ailleurs l’équivalent du tiers des séjours hospitaliers.

Malgré l’étendue et l’envergure de la souffrance humaine, le Québec n’a avancé aucune nouvelle mesure législative, réglementaire ou fiscale pour réduire le tabagisme ou pour contrer le vapotage chez les jeunes depuis 2015. La mesure tant attendue pour protéger nos jeunes contre la dépendance à la nicotine, soit l’interdiction des saveurs dans les liquides de vapotage, a été annoncée pour ensuite être oubliée sur les tablettes.

Mais il y a une mesure qui se démarque parmi toutes les mesures antitabac, soit celle qui explique le renversement des grandes tendances du dernier siècle menant à la réduction graduelle du taux de tabagisme depuis les années 1990 : le prix élevé des produits du tabac.

Il est depuis longtemps reconnu – par l’Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale et le consensus scientifique – que la hausse du prix des cigarettes constitue le levier le plus efficace pour réduire le tabagisme. La mesure était tellement efficace dans les années 1980 et 1990 que l’industrie a orchestré l’émergence du phénomène de la contrebande de cigarettes, notamment en vue de pousser les gouvernements à abandonner cette politique, ce qu’elle a réussi avec la baisse radicale des taxes en 1994.

Le Québec traîne la patte

La taxe québécoise est presque devenue un objet de dérision, étant de loin la plus basse au pays, avec un écart de 15 $ la cartouche avec celle de l’Ontario, la deuxième plus faible au pays. De plus, la valeur de notre taxe-tabac continue de s’effriter en raison de l’inflation, soit une baisse d’environ 7 $ depuis la dernière hausse en 2014.

Les groupes antitabac ne sont pas les seuls à interpeller le gouvernement, année après année, en ce sens. L’an dernier, les directeurs régionaux de santé publique ont signé une lettre adressée au ministre des Finances pour réclamer une hausse de 7 $ la cartouche, faisant échos aux recommandations du directeur national de santé publique. Le public semble aussi comprendre que la taxe-tabac est distincte et de nature différente de toute autre taxe à la consommation : en effet, près de 8 Québécois sur 10 appuient son augmentation.

Les solutions existent déjà

C’est pourquoi les principaux groupes de santé qui luttent contre le tabagisme ont envoyé un questionnaire aux partis politiques contenant des solutions concrètes qui ont fait leurs preuves, dont la taxation. Nous espérons vivement que le prochain gouvernement s’intéressera de nouveau à s’investir de manière sérieuse dans la lutte contre le tabagisme, en allant au-delà des interventions « douces » qui ont caractérisé les années 1970 et 1980, soit les campagnes visant à éduquer le public sur les risques, à empêcher la vente aux mineurs et à promouvoir l’arrêt tabagique.

Bien que nécessaires, ces approches, à elles seules, ne sont pas suffisantes pour faire baisser le taux de tabagisme. Nous en avons tous été témoins : pour réduire le tabagisme, il faut des mesures structurantes comme l’interdiction des pratiques de l’industrie qui encouragent la consommation du tabac, la protection des non-fumeurs et, aujourd’hui plus que jamais, des prix plus élevés pour dissuader les fumeurs actuels et potentiels.

Le fait de réclamer la mise en œuvre de ce levier simple, efficace et rentable pour améliorer la santé de la population, désengorger le système de santé et générer des centaines de millions de revenus ne « politise » pas le sujet. Au contraire, c’est plutôt en assimilant la taxe-tabac aux taxes à la consommation et aux impôts sur le revenu qui forment le fardeau fiscal des Québécois qu’on « politise » cette mesure essentielle de santé publique.

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