« Le changement arrive, que vous l’aimiez ou non. » C’est par ces mots que Greta Thunberg concluait son discours devant une mer humaine d’un demi-million de personnes à Montréal, il y a trois ans presque jour pour jour.

La même journée, la jeunesse du Québec descendait par dizaines de milliers dans les rues de Québec, Rimouski, Saguenay, Drummondville, Rouyn, Gatineau, Sherbrooke ou Victoriaville. Avec elle, par milliers, des parents et des grands-parents nourrissaient l’espoir d’un avenir viable. Malgré une pandémie qui a brisé cette vague, l’espoir brûle encore dans le cœur des jeunes et des moins jeunes. La marche reprend aujourd’hui.

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La militante écologiste suédoise Greta Thunberg, lors de son discours en marge de la grande marche pour le climat à Montréal, en septembre 2019

Il est encore trop tôt pour savoir hors de tout doute qui remportera les élections québécoises, mais on peut déjà s’inquiéter que les jeunes et leur avenir en soient les grands perdants. Dans un monde au bord du précipice, alors qu’on apprend que des points de bascule ont déjà été atteints et que le secrétaire général des Nations unies parle ouvertement de « folie » et de « suicide collectif », le sentiment d’urgence qui habite la jeunesse pèse bien peu dans cette campagne électorale marquée par les promesses à court terme et le clientélisme politique. Heureusement, il est encore temps d’inverser la tendance et de nous montrer à la hauteur des aspirations d’une jeunesse qui espère encore être entendue.

La marche reprend aujourd’hui, mais marcher ne suffira pas. Les jeunes doivent se faire entendre par tous les moyens disponibles, à commencer par l’exercice de leur droit de vote.

Depuis les dernières élections en 2018, plus de 300 000 jeunes ont acquis le droit de vote. Les jeunes qui ont déferlé sur le Québec en 2019 sont aujourd’hui des citoyens à part entière et ils constituent une force électorale non négligeable. Ils représentent en moyenne 2500 votes par circonscription, soit un nombre suffisant pour faire pencher la balance en leur faveur. Alors que leur avenir se joue en ces années critiques, les jeunes ne peuvent se priver de ce levier de pouvoir.

Cercle vicieux dommageable

Malheureusement, le taux de participation des moins de 35 ans a à peine dépassé les 50 % en 2018, 20 % de moins que leurs parents et 25 % de moins que leurs grands-parents. Sans surprise, les formations politiques s’adressent peu à eux, ce qui nourrit leur désengagement dans un cercle vicieux dommageable pour notre démocratie et inéquitable puisqu’il favorise les intérêts à court terme des électeurs plus âgés face à ceux, à long terme, des plus jeunes. Sans un signal fort, nous entrerons en collision avec la jeunesse qui décrochera encore plus de nos institutions démocratiques. Déjà que la Cour suprême refuse d’entendre leur cause, qu’en sera-t-il si notre démocratie est sourde à leurs aspirations ?

C’est pourquoi une nouvelle alliance entre les générations est nécessaire. Je me suis récemment rappelé les élections de 1989 alors que j’avais 17 ans. Désabusé par les deux derniers mandats, mon père m’avait offert son vote en me disant : « tu vas vivre avec les conséquences plus longtemps que moi ». S’était ensuite ouvert un espace de discussion qui m’avait aidé à faire mon choix, qui était devenu le sien. Je ferai la même chose cette année pour mon fils et ma fille qui auront 18 ans trois jours après les élections. Je sens l’urgence de leur donner une voix.

Imaginez un moment la force du message de solidarité envoyé à la jeunesse si des dizaines de milliers de parents et de grands-parents contactaient des jeunes de moins de 25 ans pour leur dire qu’ils mettent leur voix à leur service.

Imaginez tous ces jeunes, un sur deux, qui ont tourné le dos à la démocratie, qui pourraient découvrir que la démocratie et la citoyenneté sont des superpouvoirs, pourvu qu’on les utilise. Imaginez maintenant l’impact sur les formations politiques forcées de réagir face à un tel mouvement. Pourraient-ils, en solidarité pour la jeunesse, accepter de mettre de côté leurs intérêts partisans pour la crise climatique comme ils l’ont fait pour la pandémie ou l’aide médicale à mourir ? Est-ce trop demander pour nos enfants ?

Le temps presse

Pendant des décennies, nous nous sommes inquiétés pour les ours polaires ou les « prochaines générations ». La cause de l’avenir de notre planète a aujourd’hui un visage, celui de nos enfants et petits-enfants. Chacun de nous connaît un jeune pour qui nous serions prêts à donner notre vie. Et pourtant, nous échouons à les protéger. Qui détournerait le regard en voyant son enfant pleurer ? Allons-nous maintenant refuser d’entendre une génération entière qui hurle ? Comme le dit la chanson : « On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter… »

La question de l’urne, en 2022, est la suivante : êtes-vous prêts à mettre de côté vos intérêts à court terme pour assurer un avenir viable à vos enfants ? C’est le seul enjeu pour lequel notre décision sera finale et irréversible.

L’avenir n’est pas encore écrit. À nous de le faire avec nos enfants.

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