Pour régler la crise du logement, il faudra des investissements à la fois dans les infrastructures physiques et dans celles qu’on pourrait qualifier de sociales. C’est un exercice difficile, mais nous en sommes capables.

En quittant le bureau, jeudi soir dernier, j’ai tenté de faire le compte de mes appels, messages et rencontres qui, au cours des dernières semaines, ont concerné le logement.

J’ai rapidement abdiqué tant ils ont été nombreux, que ce soit avec des représentants du milieu des affaires, de la construction, d’institutions publiques, de groupes communautaires et de fondations, ou des membres de la société civile. Le dernier en lice : un regroupement de propriétaires immobiliers.

Malgré leur diversité, tous ces gens sont porteurs du même message : ils veulent faire partie de la solution. Tous veulent se mobiliser afin d’améliorer la qualité de vie de leurs concitoyens.

Nous bénéficions, au Québec, d’un tissu social façonné par des décennies d’action communautaire innovante. De nombreux organismes communautaires du Grand Montréal, qui donnent forme à cette grande toile, ont vu le jour il y a plus de 50, voire 75 ans.

Ce tissu social constitue une véritable infrastructure. Mais il s’agit d’une infrastructure sociale, faite de dévouement et de solidarité plutôt que de béton ou d’acier. Nous pourrions la définir comme l’ensemble des services, des structures et des ressources qui soutiennent la qualité de vie d’une population.

Dans notre société, les infrastructures sont essentiellement soutenues par les différents ordres de gouvernement. Ceux-ci assument les coûts de construction et d’entretien des bâtiments, certes, mais également ceux des programmes d’aide aux organismes et aux individus.

Avec la crise du logement que connaît présentement le Québec, il est évident que les gouvernements devront avoir de robustes programmes de soutien aux personnes – et pas seulement à l’approche du 1er juillet ou de l’hiver. Nombre de citoyens ne peuvent faire autrement que de demander l’aide du gouvernement parce qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Ces personnes ont besoin d’intervenants ayant l’expertise et l’écoute pour s’assurer de répondre à leurs besoins, qui vont souvent au-delà du panier de nourriture.

Ces programmes existent déjà en partie, mais ils devront être bonifiés, prolongés et révisés afin de pallier le manque de logements actuel. S’il est difficile de chiffrer le nombre exact de logements abordables et salubres manquants dans le Grand Montréal (les estimations varient selon les interlocuteurs), tous s’entendent sur un fait : il y a un manque ! Et l’écart se creuse d’année en année, et continuera de se creuser si on ne fait qu’atténuer les symptômes, plutôt que de s’attaquer aux causes réelles du problème.

Car au-delà de l’aide aux individus, il apparaît aussi urgent d’investir dans la pierre, dans les infrastructures physiques. Afin de bien démarrer la réflexion, nous devons admettre le simple fait suivant : nous manquons de logements ! Les investissements en « brique et mortier » sont indispensables pour endiguer la crise actuelle. Si nous avions un nombre adéquat de logements sociaux, abordables et convenables, les citoyens seraient à même de se loger sans avoir à jongler avec l’insécurité financière et alimentaire, sans avoir à demander de l’aide, sans avoir à occuper deux emplois pour boucler leur budget.

Marquer l’Histoire

Le taux d’inoccupation des logements est une mesure incomplète qui déforme la réalité. Il comprend l’ensemble de l’offre locative, mais une grande partie de cette dernière n’est pas accessible aux personnes en situation de vulnérabilité.

Il conviendrait donc de s’entendre sur une autre façon de mesurer l’écart. Peut-être en parlant plutôt du taux d’adéquation des logements, qui tiendrait compte de l’offre et de la demande, en incluant des facteurs comme les logements plus grands pour les familles, les logements adaptés pour les personnes en situation de handicap et les logements abordables pour les personnes âgées, à titre d’exemple. À cette mesure, nous pourrions ajouter des indicateurs sur la quantité des logements sociaux actuels, en construction et souhaités.

Dans nos politiques d’investissement public, nous n’avons pas à choisir entre l’humain et la pierre. En fait, il nous faudra nécessairement poursuivre ces deux avenues.

Oui, c’est à un véritable exercice d’équilibriste auquel nous devrons nous soumettre au cours des prochaines années, mais nous n’avons pas le choix.

Rappelons-le : l’habitation est un droit reconnu par les Nations unies. Et c’est un droit qui mérite que nous mettions en place des solutions innovantes. Il est quand même scandaleux que, dans notre société, des travailleurs soient incapables de se payer un logement convenable et qu’ils se voient obligés de recourir aux banques alimentaires pour nourrir leurs enfants.

Les différents ordres de gouvernement, disais-je, sont les premiers financiers et gardiens de nos infrastructures sociales. Mais ils ne pourront régler seuls le problème. La bonne nouvelle, c’est qu’ils peuvent désormais compter sur un appui qui s’étend jour après jour, comme en témoignent mes discussions des dernières semaines.

La volonté de contribuer est là. Il est grand temps de marquer l’Histoire, dès maintenant.

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