Nous sommes à la moitié de la campagne électorale québécoise. Je dois l’avouer, comme beaucoup d’Autochtones (ils n’étaient que 12 % à voter il y a quatre ans), je n’ai jamais voté aux élections provinciales.

Mon bulletin de vote a atterri dans une boîte de scrutin deux fois seulement aux élections fédérales, et encore, plus par contestation du parti au pouvoir que parce que je trouvais mon compte dans la multitude de promesses et de visions proposées pour notre futur collectif. Et puis, le vote d’une femme autochtone, ça vaut quoi ?

Bref, un état difficile à décrire m’habite à chaque élection : un mélange de cynisme, de sentiment d’invisibilité, de culpabilité, d’impression de légitimer par mon vote un système colonial imposé qui a nié depuis si longtemps nos existences. Et puis, les élections, c’est pour les gagnants. Tout ça fait en sorte que de ne pas voter se voulait une prise de position, un petit geste de révolte entre moi… et moi, finalement. Et c’est bien ça le problème avec le fait de ne pas voter.

J’étais habituée à ce qu’on ne parle pas de nous, qu’on ne nous regarde pas, que personne ne me ressemble parmi les candidats, que les choses ne bougent pas d’une élection à l’autre sur mon échelle de Richter.

Et même si la géométrie du portrait est encore variable selon les partis politiques, il semble que certains d’entre eux, et par conséquent une partie de la société si la démocratie fonctionne encore, nous voient maintenant. À preuve, jamais n’y a-t-il eu autant de candidats autochtones dans des élections provinciales.

Mais, si je considère l’exercice de mon droit de vote cette fois-ci, ce n’est pas uniquement pour l’amélioration des conditions de vie des Autochtones, moins de discrimination ou pour un meilleur vivre-ensemble.

Parfois, il y a plus grand que soi et notre couleur de peau, nos origines, notre statut social, notre religion, notre langue ou notre culture ne devraient rien avoir à faire avec certaines batailles.

Et notre grande bataille à tous, que l’on soit québécois de souche trempé dans m’lasse jusqu’au cou, nouvel arrivant rempli d’espoir, partisan de la « libarté », anglo, franco, autochtone, vert à pois bleus, que l’on vote pour le parti orange, bleu pâle, bleu foncé, bleu moyen ou rouge, notre grande bataille, celle qui devrait remplir les bulletins d’information, se veut pour moi celle de la cause environnementale.

Or, j’ai beau tendre l’oreille, entre les baisses d’impôts, l’inflation, l’immigration et la contribution des millionnaires, je n’entends que peu de choses sur le sujet. Certes, Québec solidaire et le Parti québécois ont présenté leur plan climat. Le Parti libéral oriente son plan en joignant écologie et économie. Chez les conservateurs, on parle d’augmenter la production de nos hydrocarbures. Je soupire. La CAQ a également un plan, même si du même élan le parti parle de créer de nouveaux barrages. Je lève un sourcil. Il reste à voir si tous ces plans tiennent la route. Un débat des chefs portant uniquement sur l’environnement et la crise climatique aurait pu permettre de mieux juger du sérieux de chacun des partis. Rien n’est prévu en ce sens, François Legault l’ayant refusé. C’est bien dommage. En plus d’être une occasion de se familiariser avec les plans de chacun, l’exercice aurait permis de démocratiser le sujet, de sensibiliser davantage la population, de démontrer son importance et sa réalité.

Parce que si certains doutent encore, les changements sont bien là. L’érosion est réelle dans la toundra. Aux Îles-de-la-Madeleine aussi. Le pergélisol fond sur certains territoires, comme à la Baie-James.

Vous souvenez-vous des tornades dans les Laurentides en juin ou de celles dans Lanaudière l’an passé ? Devons-nous rappeler les 56 morts au Québec en 2018 à cause de la chaleur ? Tout ça, c’est ici et maintenant.

Selon Environnement Canada, notre pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde : 1,7 degré depuis 1948 pour être exact. Le Québec pourrait avoir jusqu’à 20 jours de température à 32 °C ou plus en 2040, comparativement à 3 jours il y a 10 ans.

Pourquoi ai-je l’impression de si peu en entendre parler dans ces élections ?

Je comprends que quand on a de la difficulté à fermer son mois parce que tout coûte plus cher, c’est ce qui devient la priorité pour les gens et pour les politiciens. Vraiment, je comprends. Mais il faut penser plus loin. Il ne faut pas oublier que les changements climatiques et les chaleurs limiteront un jour notre accès à l’eau potable, que notre sécurité alimentaire sera menacée. Le prix sera alors encore plus lourd sur nos portefeuilles, notre santé, nos vies.

À trois ans de l’irréversibilité climatique selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le gouvernement a la responsabilité d’intégrer la cause environnementale dans toutes ses décisions futures. C’est cet engagement qui devrait être pris.

Pour l’instant, il reste encore quelques criquets pour meubler le silence d’un débat qui n’aura pas lieu, mais jusqu’à quand ?

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