La couverture des soins dentaires par la Régie de l’assurance maladie du Québec refait surface. Au sein de la profession, deux discours s’opposent. Certains accueillent cette idée, d’autres sont réticents et craignent peut-être un bouleversement de leurs habitudes dans une profession principalement privée depuis tant d’années.

Qu’en est-il alors d’une couverture publique des soins dentaires ? Bien que cette mesure permettrait un accès équitable à tous aux soins bucco-dentaires, quel serait le réel bénéfice de cette mesure sur l’état de santé buccal de la population ?

La littérature nous renseigne sur l’utilisation des services dentaires et des inégalités socioéconomiques. Malgré l’instauration d’une couverture dentaire publique, les utilisateurs en bénéficiant le plus seraient les individus socioéconomiquement plus fortunés⁠1. Ainsi, ces inégalités sociales en santé persisteraient malgré une couverture publique de ces soins.

L’accès gratuit aux soins dentaires n’est donc pas l’unique déterminant de l’état de santé buccal. Au Japon, où l’état de santé dentaire est bon, des soins dentaires fortement financés jumelés avec une augmentation des centres de services ont permis de diminuer les barrières physiques et financières associées à ces soins⁠2. Toutefois, ce phénomène a été accompagné d’une prise de conscience collective de la valeur de maintenir une bonne santé buccale et des bénéfices sur leur état de santé découlant de ces habitudes.

Une étude cohorte canadienne faite auprès des Premières Nations du Manitoba rapporte des conclusions similaires⁠3 : le financement des soins dentaires n’est pas le seul déterminant de l’état de santé bucco-dentaire.

Nul besoin de chercher très loin ! Au sein du Québec, où les soins dentaires sont financés pour certaines populations spécifiques, l’état de santé buccal de ces populations n’est pas proportionnel au financement offert. Chez ces populations vulnérables, des enjeux sociaux et des réalités de vie différentes exercent une influence au moins aussi importante que la gratuité des services. On comprend alors que malgré l’absence de barrière financière aux soins dentaires, la visite chez le dentiste n’est pas une priorité. À l’origine de cet écart, donc, se trouvent plusieurs déterminants sociaux de la santé. Des réalités sociales qui sont vraies même dans nos grandes villes à travers le continuum du niveau socioéconomique.

Bien que la discussion sur la couverture des soins dentaires soit saluée, cette mesure seule n’aura qu’un impact limité sur l’état de santé dentaire. Simultanément à cet investissement, une prise de conscience collective sur l’importance de la santé dentaire au sein d’une santé globale est donc nécessaire. Pour ce faire, un ensemble de stratégies de communication et de prévention doivent être développées, consolidées et déployées en complémentarité à l’accessibilité financière.

1. « Effects of Income and Dental Insurance Coverage on Need for Dental Care in Canada », Journal of the Canadian Dental Association, 2014

2. « The Oral Healthcare System in Japan », Healthcare, 2018

3. « Oral Health in a First Nations and a Non-Aboriginal Population in Manitoba », International Journal of Circumpolar Health, 2012

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