Les partis politiques qui se font la lutte présentement au Québec ont choisi des slogans qui ont pour objectif de les positionner sur l’échiquier et de résumer leur philosophie.

Pour la Coalition avenir Québec, c’est « Continuons ». Pour le Parti libéral du Québec, c’est « Voter vrai ». Québec solidaire nous invite à changer d’ère. Le Parti québécois parle d’un Québec qui s’assume et le Parti conservateur du Québec mise sur le thème « Libres chez nous » ! Sont-ils le vrai reflet des programmes ou s’agit-il de simples artifices de la communication publique ? Peu importe, je me suis amusé à intervertir les slogans, sans pour autant vouloir nier la volonté de chaque parti de donner à l’État québécois une orientation qui lui soit propre. Voici le résultat.

Le Parti québécois : « Libres chez nous ! »

Le thème de l’indépendance du Québec, qui me renvoie au slogan « Libres chez nous ! », fait un retour en force au Québec. Les militants péquistes reviennent petit à petit au bercail. Peut-être même aura-t-on droit, d’ici la fin de la campagne, à des rassemblements importants du côté du Parti québécois (PQ). À moins bien sûr que les propos de Paul St-Pierre Plamondon sur les drapeaux en berne au Québec, à l’occasion de la mort de la reine, lui nuisent sur le plan de la crédibilité. Peut-être pas chez les souverainistes convaincus dans son parti, mais ailleurs dans les gains potentiels qu’il doit aller chercher.

Quoi qu’il en soit, le fait que le PQ ne formera pas le prochain gouvernement au Québec pourrait l’aider en matière de performance électorale, parce que nombre de Québécois ne souhaitent pas la tenue d’un autre référendum – ce qui pourrait toujours arriver si le PQ prenait hypothétiquement le pouvoir –, mais ils ne désirent pas non plus voir le PQ disparaître.

Après tout, ce parti a été un véritable ressort pour l’affirmation identitaire du Québec. Son existence envoie en elle-même un message à Ottawa et au « reste du Canada » voulant que le Québec ne doit pas être tenu pour acquis à l’intérieur du fédéralisme canadien et que la nation québécoise a le droit de choisir librement son avenir.

Le Parti libéral du Québec : « Continuons »

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a écrit de nombreuses pages d’histoire au cours des ans. Ce parti est solidement enraciné dans le paysage politique québécois. Il est associé à l’essor économique du Québec, quoique le thème de « l’austérité budgétaire » lui colle encore trop souvent à la peau. Le PLQ, c’est le droit de vote des femmes, la Révolution tranquille, l’assurance maladie, la Charte des droits et libertés de la personne, les barrages hydroélectriques, le fonds des générations, le Conseil de la fédération, le Plan Nord, etc. Le PLQ représente la stabilité et, oserais-je dire, la continuité historique. Il représente la durabilité, la persistance dans le temps et les opinions. C’est en ce sens que je trouve que le slogan « Continuons » lui va comme un gant.

Au Québec même, le vote libéral a toujours été sous-estimé. Le côté « équilibriste » du PLQ et son sens de la pondération plaisent à nombre d’électeurs, lesquels sont toutefois trop discrets.

Le Parti conservateur du Québec : « Le Québec qui s’assume »

Quoi que l’on puisse penser du Parti conservateur du Québec (PCQ), on ne peut pas douter de la sincérité des convictions qui l’animent. Ce parti ne cache aucunement ses appuis chez les complotistes, son populisme à certains égards et sa popularité auprès des mécontents de tout acabit. Éric Duhaime a raison de dire qu’il veut faire entrer la grogne à l’Assemblée nationale. En effet, il est important que la voix de ses militants et électeurs soit entendue au Parlement québécois et qu’elle trouve ainsi des moyens démocratiques de s’exprimer. L’on ne peut vouloir d’un côté que l’Assemblée nationale soit le forum des divers points de vue politiques qui s’expriment dans la société et de l’autre nier le droit des sympathisants du Parti conservateur d’y détenir un ou des sièges. J’ajouterais une nuance cependant, et elle est de taille. Avec la loi 96, j’estime que le Québec s’assume dans son identité profonde. Pourquoi donc le PCQ, qui s’assume vraisemblablement à maints égards, en voudrait-il l’abrogation ?

Québec solidaire : « Voter vrai »

Québec solidaire (QS) souhaite changer le paradigme politique au Québec, en prônant un virage plus à gauche de la société québécoise. En mettant l’accent sur l’environnement, et plus particulièrement sur la lutte contre les changements climatiques – comme il le fait depuis des années –, ce parti fait preuve d’une conscience sociale aiguë et de justesse dans ses croyances. Que l’on ne s’étonne pas que la réforme de la fiscalité soit aussi dans ses plans, puisque l’équité dans la société – c’est-à-dire la diminution des inégalités sociales – figure parmi les valeurs qui lui sont chères et qu’il défend avec une véridicité qui l’honore. Si certains considèrent qu’appuyer ces propositions, c’est « voter vrai », la question se pose néanmoins de savoir pourquoi QS ne se prononce pas davantage sur les conditions du vivre-ensemble au Québec et ne nous fait pas savoir comment il pourrait, mieux que les autres partis, consolider la cohésion au sein de la société québécoise. Il devrait aussi revoir sa définition des « super riches », beaucoup trop large en ce moment.

La Coalition avenir Québec : « Changer d’ère »

La CAQ est bien en selle actuellement. Ce parti nous donne néanmoins l’impression, par moments, de souhaiter nous faire oublier ses ratés, ses échecs : engorgement des urgences, listes d’attente dans les CHSLD, attente pour les soins à domicile, manque de places dans les garderies, développement cahoteux du territoire au profit des projets miniers, profusion de décrets dans la gestion de la pandémie, etc. À défaut d’un changement d’ère, c’est peut-être à un changement d’air qu’il aimerait mieux convier l’électeur, surtout en cette période où la pandémie requiert moins d’attention.

La création de la CAQ en 2011 et sa prise du pouvoir en 2018 ont en elles-mêmes marqué un important changement d’ère au Québec, puisqu’elles ont mis fin à la rivalité fédéraliste-indépendantiste de même qu’aux règnes successifs du PQ et du PLQ. La CAQ a entraîné un véritable réalignement des forces politiques au Québec, un changement de la donne.

L’ère caquiste, dans laquelle nous vivons depuis 2018, se nourrit notamment d’un nationalisme bien ressenti. Que l’on ne se méprenne pas cependant : la CAQ ne constitue pas une troisième voie entre le fédéralisme et la souveraineté. Elle marque plutôt une tendance, au sein du fédéralisme canadien, vers l’expression soutenue de l’identité québécoise… dispositions dérogatoires à l’appui.

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