Alors que le Québec reconsidère ses options d’utilisation de l’énergie, le continent européen compte ses molécules et ses électrons disponibles pour faire face à l’hiver qui approche, ainsi qu’aux autres qui suivront. Et le compte n’y est pas.

Pour Alexander De Croo, premier ministre de la Belgique, « les cinq à dix prochains hivers seront difficiles. L’évolution de la situation est très difficile dans toute l’Europe ».

Il en va de la survie de chaînes industrielles complètes s’étendant sur tout le continent européen.

Chauffée par la Russie et éclairée par la France, l’Allemagne, empire industriel de l’Europe, rationne et planifie sa période de sevrage déjà lancée par Moscou.

Les aléas de la situation, y compris une fort probable récession, risquent de porter un dur coup à la solidarité entre les pays membres déjà fortement sollicitée.

En toile de fond de cette crise majeure causée par l’agresseur russe se profilent les effets du réchauffement climatique, affectant le transit de matière par barge sur de grands fleuves européens dont le Rhin, où le niveau d’eau a atteint un seuil rendant presque impraticable le passage de navires transportant du combustible.

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Un cargo manœuvre sur le Rhin, à Düsseldorf, dans une zone navigable réduite à cause de la baisse importante du niveau de l'eau.

L’Union européenne, jusqu’à tout récemment intraitable sur les questions d’aide financière aux entreprises par les États membres, considère la mise en place de mesures de dernier recours afin de protéger son tissu industriel.

On assiste déjà à l’érosion de la grande industrie, qui cette semaine frappe aux portes de l’Union européenne, en vue de sa rencontre d’urgence sur l’énergie qui aura lieu vendredi, afin d’obtenir une série de mesures de sauvetage ainsi qu’une restructuration de la politique énergétique européenne visant à sécuriser les secteurs industriels critiques pour assurer l’autonomie stratégique de l’Europe.

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Travailleurs dans une aciérie de Salzgitter, en Allemagne

Au premier chef le secteur des alumineries, qui est frappé de plein fouet par la hausse considérable des coûts de l’énergie (plus de 10 fois les prix antérieurs). Plus de 400 000 tonnes de capacité ont été retirées du marché, avec un probable retrait de plus de 500 000 tonnes supplémentaires au cours des prochains mois, selon les analystes.

À ce jour, c’est 50 % de la capacité européenne qui est disparue. D’autres secteurs comme le zinc, le silicone, le cuivre et le nickel sont aussi affectés.

Le choc de prix causé par le choc d’approvisionnement est évidemment destructeur. La dynamique énergétique est complexe, surtout lorsque l’intérêt national de 27 États est en jeu. Les solutions de remplacement, même si elles existent, seront pour longtemps très coûteuses. Le profil industriel de l’Europe pourrait être appelé à changer, affectant du même coup ses relations commerciales avec d’autres blocs comme l’Amérique.

Dans une perspective québécoise, il convient certainement de tirer un enseignement de cette situation : l’accès à l’énergie à un coût concurrentiel est fondamental pour soutenir la production industrielle dans des secteurs critiques au développement de l’économie et la décarbonation de la planète. Dans un monde de plus en plus dominé par la Chine, il en va de l’intérêt supérieur des nations.

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