Avec la campagne électorale qui bat son plein, la CSN et Nature Québec mettent la population en garde contre l’appauvrissement actuel de la forêt publique du Québec, qui risque d’avoir de graves répercussions pour les travailleuses et les travailleurs, la biodiversité, les communautés forestières, les paysages, les villégiateurs et les Premières Nations.

La forêt publique se dégrade et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) doit rapidement changer de cap pour regagner la confiance du milieu et mettre fin au climat de confrontation qui s’installe en forêt.

Plusieurs aspects de la gestion forestière actuelle nous inquiètent quant à la valeur économique et écologique de la forêt québécoise. Des décisions prises par les autorités du Ministère nous semblent mettre en péril la vitalité des écosystèmes forestiers et la durabilité des ressources que nous en tirons.

Le Ministère ne tient pas assez compte de l’appauvrissement progressif de la forêt publique. Il y a une tendance à récolter le bois le plus intéressant en délaissant celui qui l’est moins. Plus le temps passe, plus la forêt publique contient une proportion importante de forêts qui ne sont pas rentables pour l’industrie. Au moindre soubresaut des marchés, des usines seront en péril.

Les possibilités forestières sont souvent surestimées puisque le forestier en chef intègre mal les risques dans ses calculs.

Par exemple, il sous-estime l’impact des perturbations naturelles alors que les changements climatiques viendront aggraver la situation. Des baisses subites du niveau de récolte sont donc à prévoir.

En plus d’être mal appliqué pour ce qui est de la ressource en bois, le régime forestier ne tient pas assez compte de tous les autres services écosystémiques que nous apporte la forêt. Ces valeurs sont aussi à protéger. L’appauvrissement écologique fragilise les forêts et met à risque les ressources que nous en tirons. Nous voulons des forêts riches et robustes à léguer à nos enfants.

Rebâtir la confiance

La CSN et Nature Québec demandent donc au gouvernement qui sera élu le 3 octobre de rebâtir la confiance dans la gestion forestière.

Pour y arriver, il faut que le MFFP rende compte de la valeur de l’offre de bois à court, moyen et long terme, et que le forestier en chef réévalue la possibilité forestière en tenant adéquatement compte de tous les facteurs de risque et des autres usages de la forêt.

Le mandat et la fonction du forestier en chef devraient en outre être révisés en profondeur, de façon à assurer sa réelle indépendance et sa responsabilité à l’égard de l’aménagement durable des forêts.

Cette révision inclurait la notion d’aménagiste du territoire forestier garant de son aménagement durable, à l’instar de la proposition de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. L’alliance CSN-Nature Québec recommande aussi la création d’un bureau indépendant d’inspection des forêts, en s’inspirant du modèle du Forest Practices Board de la Colombie-Britannique.

Rétablir la paix sociale

Depuis quelques années, des changements dans la manière d’appliquer le régime forestier ont entraîné des reculs dans les acquis pour plusieurs parties prenantes au territoire forestier. Cette situation entraîne une polarisation des positions et la naissance de nombreux conflits.

Des gens de plus en plus insatisfaits ont perdu confiance dans l’idée même que l’aménagement durable et équitable soit possible.

Il faudra aussi tenir compte de la réconciliation avec les Premières Nations.

La perte d’adhésion face aux projets d’exploitation des ressources forestières n’augure rien de bon pour les travailleurs et les travailleuses du domaine. Ils sont inquiets de voir le climat social qui s’installe en forêt. En plus de la dévalorisation des métiers de la forêt, l’environnement d’affaires comporte de plus en plus d’imprévisibilité qui fragilise les emplois et crée un climat peu propice aux investissements.

Rétablir la paix sociale en forêt est l’un des premiers mandats auxquels le prochain ministre responsable des forêts devra s’attaquer pour ramener un climat serein tant du point de vue social qu’économique.

Diversifier l’économie

Une gestion plus prudente de la forêt va entraîner une certaine baisse des coupes en forêt publique et cela aura un impact sur les 154 communautés au Québec qui dépendent fortement de l’industrie forestière sur le plan économique.

La CSN et Nature Québec estiment donc qu’il faut absolument que les gouvernements prévoient une stratégie et des fonds suffisants pour assurer une transition juste pour les travailleuses, les travailleurs et les communautés. De nouveaux emplois en région forestière pourraient venir d’une diversification des structures parfois mono-industrielles et d’une plus grande innovation au sein de la filière bois. Il est grand temps d’agir plus fermement en ce sens et ainsi de diversifier notre offre de produits locaux et écologiques.

Nous souhaitons que la campagne électorale incite tous les partis politiques à s’engager clairement sur ces enjeux. Il en va de l’avenir de notre forêt québécoise, des communautés qui en vivent et des forêts qu’on veut laisser aux prochaines générations.

* Cosignataires : Louis Bélanger, ingénieur forestier chez Nature Québec ; Marie-Ève Desmarais, ingénieure forestière ; Jean-Pierre Jetté, ingénieur forestier ; Gérard Szaraz, ingénieur forestier, forestier en chef de 2010 à 2015

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