Je pense qu’il urge de nommer le cœur du problème de désertion du personnel et des élèves dans nos écoles publiques et de s’éloigner à tout prix des lieux communs proposant des remèdes miracles à courte vue. Ce n’est pas en faisant pleuvoir plus de millions sur le réseau de l’éducation publique qu’on y attirera et retiendra des enseignantes et enseignants passionnés par l’instruction, la transmission du savoir.

C’est en constatant qu’enseigner n’est plus possible dans les classes dites ordinaires ainsi que dans de plus en plus de classes à projets pédagogiques particuliers de nos écoles publiques que les étudiants désabusés lâchent la formation des maîtres avant terme, qu’un nouveau prof sur quatre quitte le métier avant sa cinquième année de pratique et que de plus en plus de profs d’expérience désertent prématurément avant l’obtention de leur pleine retraite. Pour solutionner le problème de pénurie, il faut parler d’enseignement. Il faut parler de tout ce qui fait en sorte que la classe ordinaire ne permet plus aux profs de faire ce pour quoi ils ont choisi ce métier : instruire.

La composition de la classe, la promotion automatique d’un niveau à l’autre sans les acquis, la sacro-sainte réussite éducative au moindre coût sont les angles morts du problème de pénurie.

II faut profiter de toutes les occasions pour le mettre en lumière. L’État, le ministère de l’Éducation, détourne l’attention depuis des années en orientant le débat sur les symptômes du mal que sont le décrochage (renommé la persévérance) et la réussite. Ainsi, on ne nomme jamais le cancer lui-même : l’école publique n’instruit plus. La promotion automatique sans les acquis nécessaires, la course à la réussite de pacotille gangrènent le réseau des écoles publiques. Les élèves qui arrivent à finir leur secondaire sont diplômés, mais presque ignorants. Ils peinent à structurer leur pensée, à écrire, à comprendre ce qu’ils lisent, etc.

Chaîne de montage

Trop de profs sortis des universités depuis 30 ans, diplômés de la formation des maîtres, n’y ont même pas été suffisamment outillés pour comprendre qu’on les a dépossédés de leur métier. Enseigner, instruire, ce n’est plus possible. Voilà la source de leur détresse. C’est navrant, mais au tournant des années 2000, la réforme Legault-Marois, en détournant les consensus des états généraux de 1996, a mis en place dans nos écoles publiques une formidable et efficace chaîne de montage qui donne aujourd’hui tous ses fruits.

Le réseau des écoles privées instruit les futurs professionnels, celui des écoles publiques forme, voire formate, la main-d’œuvre.

Tout ça à des coûts beaucoup moindres que si on s’entêtait à essayer d’instruire véritablement le plus grand nombre. La seule chose qu’ils n’avaient pas prévue, c’est que les profs ne s’y reconnaîtraient pas et, épuisés, désillusionnés, écœurés, dégoûtés, déserteraient. Les profs ne s’y retrouvent plus, se sentent incompétents. Pourtant, ils font exactement ce qu’on attend d’eux.

Bref, il faut qu’on parle de l’acte d’enseigner, d’instruire, de transmettre la connaissance et de l’importance pour les élèves des écoles publiques d’avoir les acquis nécessaires pour progresser jusqu’à l’obtention d’un véritable diplôme qui certifiera qu’ils maîtrisent les savoirs et ont acquis les compétences nécessaires pour comprendre et agir dans la société.

Je comprends toutefois que ce n’est pas simple à expliquer ni à comprendre. Pis ça ne fait pas des manchettes bien accrocheuses.

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