Réfugiée comme chaque été au bord du fleuve en Charlevoix, je me trouve plus près ces jours-ci de la tranquillité de la campagne, la vraie, que de la frénésie de la campagne électorale. Cela ne m’empêche pas d’être attentive à ce qui se passe, au contraire, et de finir par m’étonner d’être étonnée à répétition.

Au chapitre des surprises, tiens donc, le Parti québécois qui mène un début de campagne nettement au-dessus des attentes, les miennes incluses. Commentateurs et journalistes ont mis de côté les avis de décès de la formation pour enfin rapporter ce que son chef a à dire. Ça fait du bien.

Mieux encore, on admet que le parti présente des propositions parmi les plus sérieuses et intéressantes en matière de lutte contre l’inflation, de lutte contre les changements climatiques et de protection de la langue française. Cela survient quelques semaines après la publication de nouvelles données confirmant le déclin du français, alors qu’aucune autre formation n’a l’intention d’en faire davantage pour le freiner.

Or, pour plusieurs, dont moi-même, le renversement de la tendance est intimement lié au statut politique du Québec, la pérennité de la nation québécoise en français ne pouvant être assurée que par l’indépendance. Ces deux thèmes sont indissociables.

On savait Paul St-Pierre Plamondon brillant, mais le voilà plus détendu, capable de passer ses messages avec aplomb.

Ça lui a valu ici et là la meilleure note pour sa première semaine de campagne et même l’« étoile du match ». Dimanche, lors de l’entrevue face aux trois ténors de l’info à Radio-Canada, il semblait avoir trouvé le bon ton, la bonne attitude, en établissant la communication avec ses électeurs potentiels souvent pour la première fois. Le PQ étant le plus populaire deuxième choix de l’électorat, cela pourrait finir par être payant.

Je ne suis pas au bout de mes surprises : il s’avère vraiment curieux que Québec solidaire soit le parti offrant, ne serait-ce que de manière temporaire, le plus important soulagement aux mieux nantis, selon une analyse d’Alexis Gagné-LeBrun. Ses mesures fiscales annoncées hier cadrent davantage avec son idéologie de « faire payer les riches ». Après les avoir appâtés, on les plume ?

Quel revirement de situation, aussi, que la position de la CAQ sur le Fonds des générations et les baisses d’impôts. Il y a un mois, on ne touchait pas au premier et on demandait avec insistance au fédéral qu’il verse 28 milliards de dollars aux provinces, sans quoi l’avenir des soins de santé serait gravement compromis. Sans avoir eu sa part de, quoi, 5 à 7 milliards de dollars, le Québec est désormais capable de se priver de presque 8 milliards de dollars pour financer des baisses d’impôts. Ça fait désordre, aurait dit M. Parizeau.

Qui plus est, on s’attaque au problème ponctuel d’inflation en instaurant une mesure permanente. Avons-nous baissé les bras, pour offrir de meilleurs services de santé, des routes le moindrement carrossables, des écoles sans moisissures ?

Une fois l’inflation contrôlée, le Québec aurait-il encore quelque marge de manœuvre ? Et si une récession s’installait, serions-nous une fois de plus condamnés à l’austérité ?

Toujours dans le domaine des incrédulités, il est surprenant d’entendre le premier ministre refuser de rendre publiques les études concernant le troisième lien entre Québec et Lévis : je le rassure, je suis native de Québec et montréalaise d’adoption relativement récente. Sans préjugés particuliers à l’encontre des citoyens de la capitale nationale ou de Lévis. Mais existe-t-il pour le moment quelque chose de plus convaincant que les analyses empiriques faites par Infoman ?

Le fédéral a lui aussi sorti quelques surprises de son sac, en alléguant d’abord que le gouvernement du Québec empêche de tourner en rond dans le dossier du pont de Québec. La vengeance étant un plat qui se mange froid, l’équipe de Justin Trudeau est sans doute derrière l’information voulant que le projet GNL n’ait pas été tout à fait enterré par François Legault puisque son ministre de l’Économie en parle encore lors de ses rencontres de haut niveau.

Qu’est-ce qui se dessine finalement devant nous à moins d’un mois du scrutin ? Cinq visions assez bien campées, distinctes, pour le Québec. Un parti, le Parti québécois, qui mise d’abord et avant tout, sans occulter les autres enjeux, sur ses raisons d’être que sont la langue française et l’indépendance. Un autre, Québec solidaire, qui fait de l’écologie son principal cheval de bataille avec un super plan. Le Parti libéral, inlassablement à la défense des droits des anglophones et des allophones. Le Parti conservateur – et certains de ses candidats aux accents trumpistes –, antisystème et pro-démantèlement de l’État. Et, enfin, la CAQ, qui mise sur les francophones des régions, en leur disant qu’il est légitime de vouloir autant de ponts que les Montréalais et en leur proposant un amalgame de tout à la fois, mais de rien en particulier, dans la continuité.

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