Dans l’espace public, le débat climatique est souvent pollué, d’une part, par des groupes de pression écologistes de tendance anticapitaliste et, d’autre part, par une droite climatosceptique hostile à toute mesure de réduction des gaz à effet de serre (GES). Dans ce contexte, il est trop facile pour des partis politiques relativement centristes de proposer des solutions en apparence raisonnables en matière de lutte contre les changements climatiques, mais qui en réalité sont loin de l’être. Observerons-nous ce phénomène lors de la campagne électorale provinciale au Québec ?

Pour l’instant, force est de constater que la thématique n’est pas centrale dans la campagne. Cela est problématique compte tenu de l’ampleur du défi climatique, mais aussi de l’inefficacité de certains dispositifs en place, comme le Fonds vert et le système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE).

Nous proposons de remplacer ces mécanismes qui font fuir des capitaux et des emplois par une taxe carbone sur la consommation assortie d’un dividende carbone redistribué aux contribuables.

Le système existant : fuites de carbone et d’emplois

Le SPEDE soumet de grands émetteurs à un système où le gouvernement (en partenariat avec la Californie) fixe la quantité de GES maximale pouvant être émise annuellement. Les entreprises doivent se procurer des droits d’émissions au prix courant et le plafond d’émissions diminue annuellement. Théoriquement, le prix de ces droits devrait augmenter dans le temps, ce qui devrait garantir une diminution des GES émis par les industries québécoises (et californiennes). C’est raisonnable, non ? Pas si vite !

Imaginons un Québec sans industrie polluante. Cela ferait-il des Québécois des citoyens plus verts que les autres ? Pas si les Québécois consommaient des tonnes de produits fabriqués à l’étranger, nécessitant l’émission de quantités phénoménales de GES dans d’autres pays. Cela ne reviendrait qu’à délocaliser le problème ailleurs. C’est ce qu’on appelle les « fuites carbone ». Les gains pour le climat seraient inexistants.

Les pertes économiques pour les Québécois seraient, quant à elles, bien visibles : des emplois et des capitaux délocalisés chez nos concurrents internationaux, là où les entreprises ne sont pas soumises à une tarification carbone.

Bref, le marché carbone équivaut à une taxe sur la production de nos entreprises, ce qui les pénalise vis-à-vis de leurs concurrents.

Une option plus efficace : taxer la consommation plutôt que la production

Afin de régler ce problème, nous proposons une solution de rechange : la mise en place d’une taxe carbone sur la consommation assortie d’un dividende carbone. La taxe s’appliquerait à tous les biens de consommation et serait fixée par le gouvernement en fonction de l’empreinte carbone des produits. Pour compenser le coût supplémentaire pour les contribuables, et afin d’assurer qu’il ne soit pas un prétexte à de nouvelles dépenses gouvernementales, le montant de la taxe leur serait reversé intégralement sous la forme d’un dividende universel.

Ce prix servirait de boussole pour inciter tout le monde à avoir un comportement plus vertueux sur le plan climatique.

D’un côté, la taxe inciterait les consommateurs à choisir des produits finaux moins émetteurs ; de l’autre, elle inciterait les entreprises d’ici et d’ailleurs à réduire leurs émissions sur le marché québécois afin que leurs produits soient vendus à un prix compétitif. En s’appliquant à tous les produits indépendamment de leur provenance, la taxe ne pénaliserait pas nos entreprises locales vis-à-vis de leurs concurrents internationaux.

Enfin, la taxe carbone à la consommation aurait une vertu pédagogique, puisqu’elle informerait les consommateurs sur l’impact climatique des produits qu’ils achètent. On pourrait très bien imaginer un double étiquetage des produits : une étiquette avec le prix sans la taxe et une étiquette (verte) indiquant le montant de la taxe carbone. Cela ferait certainement réfléchir !

Une réflexion à avoir en campagne électorale

En somme, le Québec devrait se débarrasser du boulet que constitue son marché du carbone et le remplacer par une taxe carbone à la consommation adossée à un dividende universel. Ce changement allégerait le fardeau bureaucratique des entreprises tout en les incitant à réduire leur empreinte carbone. De surcroît, il fournirait de l’information supplémentaire aux consommateurs tout en respectant leur liberté de choix.

Certains nous répondront que notre proposition est inapplicable. Au contraire, son principal avantage est justement sa faisabilité : non seulement existe-t-il déjà des applications et des technologies permettant de mesurer et de tracer les GES, mais aussi l’application d’une taxe à la consommation n’exigerait aucune négociation (interminable) impliquant d’autres pays (comme l’exigerait l’agrandissement du marché carbone auquel participe le Québec actuellement). En outre, pourquoi s’enliser dans un système qui pénalise notre industrie locale alors qu’une option crédible existe ?

Espérons que le Québec profitera de cette campagne électorale pour, au moins, amorcer cette réflexion.

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