Pour la création d’un commissaire indépendant aux services policiers

La semaine dernière, à l’instar d’un mouvement qui prévaut aux États-Unis, la question de réduire ou de limiter le budget consacré aux services policiers a refait surface.

Au cours des deux dernières années, les mesures prises par le gouvernement du Québec – dont certaines étaient manifestement illégales et inconstitutionnelles – pour endiguer la crise pandémique qui résultait de la COVID-19 ont gravement porté atteinte aux droits et libertés individuelles.

Les interventions politiques et les ordres conférés aux policiers québécois ont aussi engagé leur responsabilité personnelle, comme nous l’a rappelé la Cour suprême du Canada dans un arrêt récent. La violation du principe de l’indépendance policière, il nous faut bien l’admettre, n’est cependant pas l’apanage exclusif du gouvernement actuel.

Des attaques systémiques

Au cours des deux dernières décennies, et plus particulièrement la dernière année judiciaire, de nombreuses interventions politiques et juridiques du gouvernement du Québec ont porté atteinte au principe de l’indépendance policière, une composante du principe de l’indépendance judiciaire.

On peut mettre en exergue les cas suivants : la destitution du directeur général de la Sûreté du Québec par le gouvernement du Parti québécois en 2012 alors dirigé par Pauline Marois, la suspension du directeur de la Sûreté du Québec par « votre gouvernement » de la Coalition avenir Québec en 2019, l’acharnement du procureur général du Québec à l’encontre de la Sûreté du Québec et, plus récemment, les voies de droit exercées par la Ville de Québec – que je n’hésite pas à qualifier de poursuites-bâillons – à l’encontre du syndicat de son service de police (qui dénonce les coupes budgétaires) afin de limiter sa liberté d’expression.

Bien que j’aie pu lire des milliers de décisions judiciaires au cours des 40 dernières années et en lise toujours plusieurs centaines par année, je n’ai que très rarement lu des motifs de jugement aussi incisifs et aussi critiques à l’égard d’un gouvernement et, plus particulièrement, à l’endroit du procureur général du Québec.

Le plus haut tribunal de l’État québécois – la Cour d’appel du Québec – dénonce ces interventions politiques du gouvernement du Québec faites à l’encontre de la Sûreté du Québec et signale l’acharnement du procureur général du Québec à l’encontre des policiers québécois.

Ces interventions et cet acharnement de l’État québécois à l’encontre de l’indépendance policière sont gravissimes et doivent être publiquement réprouvés.

De fait, il ne saurait faire de doute que l’une des questions les plus fondamentales en droit constitutionnel relativement à l’activité policière concerne son indépendance par rapport aux titulaires du pouvoir exécutif. Or ce principe fondamental de l’indépendance policière a cependant été enfreint, bafoué et violé tant par le gouvernement du Québec que par ses délégataires – le procureur général du Québec et la Ville de Québec –, et cela, à de nombreuses reprises.

Pour la création d’un commissaire indépendant aux services policiers

Bien que le gouvernement du Québec ait modifié, en 2019, le processus de nomination du directeur général de la Sûreté du Québec en la confiant à l’Assemblée nationale du Québec, cela ne saurait suffire, cependant, à garantir le principe constitutionnel de l’indépendance policière.

Plusieurs juges de la Cour du Québec ont mis en garde la population contre le danger que posait cette attitude gouvernementale téméraire, abusive et attentatoire à la primauté du droit et à l’État de droit.

Il faut, dès maintenant, garantir la parfaite étanchéité entre le pouvoir exécutif – que ce soit des ministres du gouvernement, ses délégataires, le procureur général du Québec ou, encore, les villes et les municipalités – et les policiers afin de respecter le principe constitutionnel de l’indépendance policière.

C’est pourquoi je propose et recommande que le gouvernement du Québec adopte un projet de loi afin de créer un Commissaire indépendant aux services policiers du Québec (y serait notamment adjoint l’actuel Commissaire à la déontologie policière), lequel créerait un rempart entre le gouvernement du Québec et tous les corps policiers québécois, de la Sûreté du Québec aux corps de police autonomes desservant les communautés autochtones, en passant par les corps de police autonomes desservant les municipalités et les communautés métropolitaines.

Le commissaire serait nommé par l’Assemblée nationale du Québec, sur recommandation du premier ministre, avec l’assentiment des chefs de tous les partis politiques de l’opposition, et avec l’approbation des deux tiers de ses membres. L’indépendance des corps policiers est non seulement importante, mais aussi, et surtout peut-être, au cœur de la primauté du droit et de l’État de droit.

* Constitutionnaliste, spécialiste du droit à la vie privée et du droit policier, l’auteur a été conseiller constitutionnel principal à la Gendarmerie royale du Canada

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