Le 19 août dernier, on a appris que les « chambres multiples » étaient de nouveau autorisées dans les CHSLD. Comprendre : jusqu’à quatre personnes dans une même chambre.

La COVID-19 continue de frapper, et une recrudescence est prévue avec la rentrée des classes, mais il semble qu’on « fera avec ». La bonne nouvelle, c’est que par un effet domino, il y aura moins de personnes sur les civières dans les urgences parce qu’on pourra, aux étages supérieurs, dégager des lits grâce au transfert de personnes contraintes d’attendre à l’hôpital qu’une place se libère en CHSLD. Sur le plan comptable et administratif, cela se tient. D’un point de vue humain, c’est insoutenable.

Ma fille aînée a quatre jeunes enfants. Ils ont demandé à leurs parents de dormir dans la même chambre parce que c’est très rigolo de sauter d’un lit à l’autre et de s’éclater pendant que les adultes ont (un peu) le dos tourné. Mais tout le monde sait bien que, tôt ou tard, chacun demandera d’avoir son espace, si ce n’est son étage au sous-sol. Plus grand, on veut avoir « sa » chambre, puis « son » logement et « son » espace de travail.

Par contre, étonnamment, à l’autre extrémité de la vie, alors qu’on est susceptible de passer beaucoup plus de temps dans sa chambre – on dort davantage, on reçoit des soins personnels, on est alité en raison de sa condition de santé –, il devient acceptable d’occuper un espace limité avec de parfaits inconnus.

Brusquement, on doit partager leur intimité, leur vulnérabilité, leurs traitements, éventuellement leurs égarements ainsi que les allées et venues du personnel soignant et des visiteurs.

J’ai en tête le cas de mon père, qui partageait ainsi une chambre, notamment avec un homme qui est décédé au cours d’une nuit. Branle-bas de combat du personnel, interventions selon la procédure, arrivée subite de la famille éplorée. Au matin, un lit vide. Mon père, qui n’avait pas fermé l’œil, avait été précipité froidement dans la fin de vie d’un étranger, à quelques mètres de sa propre attente.

Ces deux dernières années, il a évidemment été beaucoup question de la COVID-19 dans les CHSLD. Le taux d’occupation des chambres a été, en quelque sorte, mis en parallèle avec les risques de contagion. C’était une donnée déterminante. Mais bien au-delà des impératifs de la pandémie, il y a aussi des considérations d’humanité, de douceur au moment de la fin de la vie, de respect, de dignité et d’amour que nous portons à nos vieux partenaires, nos vieux parents, nos vieux amis, ceux-là même qui, bien souvent, nous ont montré la route.

L’ironie, c’est que les CHSLD sont présentés comme des milieux de vie. C’est l’expression consacrée. Certains de ces endroits réussissent leur pari. Le personnel, admirable, fait l’impossible pour donner une âme au lieu.

Mais en occupation quadruple, quel que soit le décor et le talent des intervenants, l’espace à soi n’existe plus. La vie devant soi s’en trouve dramatiquement rétrécie.

On nous dit que cette solution ne sera envisagée que si on ne peut faire autrement. Les récentes révélations sur les difficultés vécues dans les CHSLD laissent entrevoir que les exceptions peuvent parfois basculer et devenir la règle.

Ces jours-ci, la CAQ a dévoilé son slogan électoral : « Continuons. »

Continuer ça ?

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