La vocation, c’est le bonheur d’avoir pour métier sa passion.

Stendhal définissait ainsi dans Le Rouge et le noir ce que l’on attribue maintenant à plusieurs professions : médecine, droit, enseignement, etc.

De fait, il y a le sens de la vocation, que certains évoquent quant à leur haut niveau d’implication, peu importe le domaine. Il y a aussi la vocation dans l’esprit populaire, qui exprime le constat de voir quelqu’un donner son temps, son expertise sans compter, sans attente de reconnaissance. Plus encore, il y a la vocation attendue alors qu’on insinue et s’attend à ce que le désir de faire médecine, par exemple, vienne nécessairement avec l’empreinte d’un élan vocationnel. C’est probablement le cas, bien que le goût d’allier science et relations humaines soit autant une occasion qu’une vocation.

Par contre, il y a raison de se demander si la vocation existe encore dans les services publics. Pis encore, est-ce que l’État agit de manière à faire disparaître les velléités vocationnelles de ses professionnels ?

On parle sans cesse du manque de personnel dans les hôpitaux. Concomitamment, il n’y a jamais eu autant de retraites depuis les coupes de l’ère Bouchard. Il faut se demander pourquoi et quel impact ce délaissement de vocation a sur la prestation de soins et sur leur organisation. Si l’appel de la vocation joue un rôle dans le choix d’avenir, il est plus que démontrable qu’il s’effrite. Individuellement et collectivement.

Ceux et celles qui quittent s’effacent notamment par perte d’enthousiasme et de considération pour les services rendus. C’est un constat inquiétant pour l’intégrité des professions.

Les infirmières qui ont plus que mon âge sont rares à l’hôpital. Elles se retirent dès que leur fonds de pension le permet. Que ce soit celles qui travaillent jour/soir/nuit ou celles qui ont un horaire régulier de jour. Il y a d’ailleurs raison de se demander si le délaissement de l’aspect vocationnel et professionnel n’explique pas cette désaffection, alors qu’une minorité d’infirmières participent aux difficiles quarts de service de soir et de nuit et qu’une majorité ne collabore nullement à l’effort de garde. La garde se définit comme les charges qui incombent à un groupe de professionnels pour assurer la continuité des soins.

Au niveau médical, il persiste des règles assurant le professionnalisme dans le temps, imposant, strictement pour ceux qui œuvrent en milieu hospitalier, un horaire de garde. Nul manquement n’existe dans l’horaire. Quand la couverture médicale vient à manquer, cela fait régulièrement la une des journaux. Pour les infirmières, cela se traduit par le temps supplémentaire obligatoire.

Le gouvernement voudrait bien que la « vocation » mène à l’abnégation et au service sans compter. Considérant les mauvaises conditions que le gouvernement offre à ses professionnels, au mépris de leur expertise et au profit de la prépondérance d’objectifs politiques, populaires, voire populistes, il n’est pas étonnant que la vocation ait laissé place à des visées plus individualistes. Plusieurs veulent faire reconnaître leur valeur, exprimée dans un taux horaire, dans un salaire. Et en contexte de pénurie de personnel, il y a clairement le sentiment que chacun se considère comme une « tradable commodity », une valeur négociable, monnayable.

Difficile alors de penser que la vocation a encore sa place, et ceux qui pratiquent encore avec un esprit de service public sont abusés dans leur rôle. Ceux qui disent NON, qui font part de leur exaspération en lien avec leurs conditions profitent pour un temps de privilèges aux dépens d’autres. Souvent en réduisant leur niveau de responsabilité, s’excluant de solutions visant à offrir plus et mieux.

La campagne électorale s’amorce, et avec elle la démonstration à chaque fin de mandat des écueils du système de santé. Je ne serais pas surpris d’entendre encore une fois des élus rendre redevables de ces écueils des professionnels de la santé. Faute des médecins, des infirmières, des syndicats. La rengaine est connue, attendue, constamment relayée par les journalistes en recherche de sensation et de réactions primaires.

Quand, au demeurant, un ministre ou un premier ministre suscite le dénigrement des professionnels, il n’est pas étonnant d’entendre médecins, infirmières et autres professionnels de la santé maugréer, exprimer leur exaspération face à des décisions bâclées, chercher leur bonheur ailleurs que dans leur vocation, devenue profession, devenue métier et devenant valeur monnayable.

Mais mon propos vise justement à faire attention aux commentaires publics ou émis sur les réseaux sociaux. L’esprit de la vocation s’évanouit, se réduit comme peau de chagrin. Du moins dans le système de santé.

L’atmosphère est à couper au couteau, l’exaspération de tout un chacun visible comme une aura rouge. Il est probablement vrai que les politiciens ont une vocation pour le service public, et on les entend souvent s’autocongratuler pour cela. Mais la vocation de politicien ne peut s’exercer en reniant la vocation des professionnels de la santé. Il y a raison de se demander si la vocation passe de désir à un état imposé par des règles arbitraires.

Attention, nous avons absolument besoin, politiquement, socialement, de protéger des vocations affirmées dans le réseau de la santé pour assurer quantité et qualité de soins.

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