Les Internationaux des États-Unis ont commencé à New York le 23 août. J’aime dire que c’est le concert rock des tournois de tennis. Et l’incontestable rockstar cette année, comme de nombreuses fois avant, est Serena Williams. Quel prélude au US Open pour celle qui a son nom gravé sur 23 trophées du Grand Chelem et qui frappe à la porte d’un 24e titre, le record détenu par Margaret Court.

D’abord, il y eut l’annonce de son évolution post-tennis. Dans un essai qu’elle a signé paru dans le magazine Vogue du mois de septembre — toujours le numéro le plus important de l’année —, elle refuse de parler de retraite. Sans surprise, elle n’aime pas le mot. Au-delà de la sémantique, ce US Open — lieu de sa première victoire de Grand Chelem en 1999 à l’âge de 17 ans — sera son dernier tournoi. Je larmoie en écrivant les mots. Pour moi, c’est comme une rupture amoureuse.

Et entre deux entraînements, il y a quelques jours, Serena Williams s’est rendue sur le plancher de la Bourse de New York, marteau de cérémonie en main, pour sonner la célèbre cloche de l’institution. Mme Williams était tout à fait à sa place parmi les cambistes et gérants d’importants portefeuilles. Elle est cofondatrice du fonds d’investissement Serena Ventures. Le fonds en était récemment à 111 millions de dollars américains amassés et à plus de 60 investissements. Serena Williams a comme objectif d’appuyer des start-ups dirigées par des gens aux points de vue diversifiés. En entrevue, elle a répété un chiffre que plusieurs d’entre nous connaissent trop bien : moins de 2 % des fonds communs de placement sont investis dans des start-ups dirigées par des femmes. C’est un pourcentage que Serena Williams souhaite changer.

Elle n’en sera pas à son premier cassage de moule. Avec sa grande sœur Venus, Serena Williams a révolutionné le tennis et l’image de ce sport à jamais, bousculant ainsi ceux pour qui le statu quo faisait l’affaire.

Tout ce qui était différent chez les sœurs Williams a dérangé. D’abord, c’était les cheveux. Des tresses, quel scandale ! Puis, c’était les billes dans les cheveux. Ensuite, c’était les rugissements pendant les services et les fist pump, brandis en guise de célébration. Et, la pièce de résistance des critiques, celles sur leurs corps et choix vestimentaires.

PHOTO STEVE HOLLAND, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Venus et Serena Williams

Il y a un parallèle à faire avec Hillary Clinton. Lorsque Mme Clinton est arrivée sur la scène politique, alors que son mari briguait le poste de gouverneur de l’Arkansas à la fin des années 1970, tout ce qui faisait d’elle un nouveau genre d’épouse de politicien a été critiqué. Pourquoi garde-t-elle son nom de jeune fille ? Pourquoi est-elle encore avocate dans un grand cabinet ? Pourquoi ses affreuses montures de lunettes ? Pourquoi n’est-elle pas plus élégante ? Alors que la vraie question, celle qui dérangeait réellement, était pourquoi Hillary Clinton s’ingère-t-elle autant dans la campagne de son mari et, surtout, pourquoi veut-elle changer les choses ?

Mais le parallèle s’arrête là puisque Hillary Rodham est devenue Hillary Clinton, qu’elle a cessé de pratiquer le droit, qu’elle a changé de style vestimentaire et qu’elle a commencé à porter des verres de contact. Venus et Serena, elles, n’ont rien cédé, sachant très bien que les ajustements devaient être les nôtres et non les leurs.

De nombreux médias mettront du temps à le comprendre — comme ceux qui confondaient Venus et Serena, par exemple. D’ailleurs, combien d’entre eux ont jadis confondu John et Patrick McEnroe ? Ou les autres, toujours pressés de qualifier Serena Williams et son jeu d’agressifs et d’accompagner les articles des pires photos d’elle, pour appuyer cette fausse image.

Le jeu de Serena n’est pas agressif. Il est puissant et efficace. Tellement que beaucoup de joueurs et de joueuses du circuit l’ont copiée.

Mais aujourd’hui, le succès multidisciplinaire de Serena Williams repose, en grande partie, sur les médias. Avec le temps, plusieurs d’entre eux ont été bons pour elle, et elle, pour eux. Par exemple, selon les chiffres de la firme Nielsen, à travers les années, lorsque Serena Williams a atteint les finales des Internationaux des États-Unis, les cotes d’écoute étaient beaucoup plus élevées. Cet essai dans Vogue ? Avec les photos, il est de huit pages dans la version papier du magazine. Parions qu’il sera leur meilleur vendeur de l’année.

Sur la liste Forbes des athlètes les mieux payés cette année, Serena Williams est la seule femme, avec Naomi Osaka, à se retrouver dans le palmarès du top 50. C’est surtout ses ententes avec diverses marques et ses investissements et intérêts au-delà du tennis qui font que les avoirs annuels de Serena Williams sont d’un peu plus de 45 millions de dollars américains et que sa fortune personnelle a atteint le quart de milliard de dollars. L’héritage de Serena Williams, il est aussi là. En transcendant le tennis et en ne mettant pas toutes ses balles dans le même panier — une stratégie critiquée notamment par la grande Chris Evert dans le magazine TIME il y a quelques années —, Serena Williams a assuré la longévité de sa dominance. Bien après qu’elle aura quitté les courts de tennis, elle sera tout aussi influente. Serena connaît sa valeur et elle sait comment la maximiser. Au-delà de tout le reste, c’est certes ça et la liberté qui l’accompagnent qui ont le plus turlupiné les détracteurs de Williams.

Ce lundi soir aux Internationaux des États-Unis, elle affrontera Danka Kovinic, 80e raquette du monde. Je ne sais pas si elle remportera ce premier match en simple, mais toutes les sortes de pointage démontrent que Serena Williams a déjà gagné.

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