L’inflation atteint des sommets historiques et une récession économique mondiale se dessine. Nous venons de traverser plus de deux années tumultueuses de perturbations pandémiques, et notre gouvernement aura besoin d’une croissance économique solide pour reconstruire notre système de soins de santé et payer les programmes sociaux que nous estimons tous.

Mais au lieu de parler des politiques et des stratégies que le gouvernement pourrait adopter pour favoriser la création de richesse au Québec, le principal enjeu qui sème l’inquiétude au sein du secteur des technologies et de l’innovation, à l’aube du déclenchement des élections québécoises, c’est la loi 96.

Récemment, la Cour supérieure du Québec a suspendu deux articles de la loi 96 en lien avec l’accès aux tribunaux en français et en anglais. Il s’agit d’un exemple probant qui démontre que cette loi a été précipitée et mal conçue.

Au mois de juin dernier, 37 dirigeants d’entreprises technologiques québécoises ont signé une lettre à l’intention du premier ministre François Legault pour tirer la sonnette d’alarme quant à l’impact de la loi 96 sur notre économie. Dans les semaines qui ont suivi, plus de 100 dirigeants d’entreprises québécoises ont ajouté leur voix à cette lettre ouverte et à ce jour, plus de 150 dirigeants l’ont signée.

Certains voient le débat sur la loi 96 comme une remise en question de l’identité québécoise et le rôle du français dans notre société. Mais je ne suis pas d’accord.

Revoir notre stratégie économique

Chaque PDG à qui je parle est un fier Québécois qui chérit notre identité culturelle unique. Ils appuient l’objectif de la loi 96, à savoir accroître l’usage de la langue française dans le secteur privé. Nous voulons tous défendre la société francophone, particulièrement les dirigeants qui ont fondé leur entreprise au Québec et qui veulent la voir prospérer ici. Personne n’est plus fier du Québec que les dirigeants qui travaillent à créer des emplois et des entreprises florissantes dont le siège social est situé au Québec.

Les entrepreneurs sont très inquiets des impacts de la loi 96, car ils craignent que son entrée en vigueur nuise à leur croissance.

Pour les dirigeants d’entreprises technologiques, l’enjeu avec la loi 96 suscite une discussion sur les priorités économiques, que nous voulons revoir. Pendant des décennies, le gouvernement québécois a courtisé les compagnies étrangères en favorisant les investissements directs étrangers, car ils pensaient qu’attirer de grandes multinationales pour construire des usines ou des sites miniers aurait d’importantes retombées économiques.

Mais dans le secteur des technologies et de l’innovation, l’investissement étranger conduit principalement au développement de la propriété intellectuelle des données numériques par ces entreprises, alors que les bénéfices et les avantages économiques reviennent aux sièges sociaux établis hors du Québec.

Conjuguer langue et croissance

Nous devrions nous demander : voulons-nous que le Québec soit une source de talents technologiques bon marché pour les géants mondiaux de la technologie ? La culture québécoise demeurera-t-elle forte et dynamique si notre économie n’est que la succursale d’entreprises étrangères ?

Ou voulons-nous que l’économie du Québec soit propulsée par la création de richesse des entreprises fondées par des Québécois et ayant leur siège social ici chez nous ?

Si nous voulons que notre secteur technologique prospère, notre gouvernement doit écouter les entreprises créées au Québec qui essaient de croître et de se développer.

Le gouvernement doit écouter les entrepreneurs qui disent que la loi 96 doit être mise en pause jusqu’à ce qu’elle puisse être mise en œuvre d’une manière qui ne nuira pas à la croissance du secteur des technologies et de l’innovation.

Et le gouvernement devrait écouter les entreprises technologiques locales qui veulent voir le Québec promouvoir leur contenu local dans les marchés publics.

Enfin, le gouvernement devrait également écouter les innovateurs locaux qui se demandent pourquoi les géants étrangers de la technologie reçoivent de généreux crédits d’impôt pour établir des succursales à Montréal, aggravant ainsi la pénurie de talents qualifiés.

Soutenir nos entreprises

La prochaine campagne électorale doit mettre l’accent sur le type d’économie que nous voulons.

Quel message envoyons-nous aux entrepreneurs d’ici alors que les crédits d’impôt de notre gouvernement sont tout aussi généreux pour les entreprises étrangères pour l’implantation d’un bureau satellite que pour une entreprise d’ici, bien ancrée dans l’économie québécoise ?

Si le gouvernement est si fier de ses entreprises du secteur des technologies et de l’innovation, pourquoi dépensons-nous tant d’argent pour attirer les géants mondiaux de la technologie plutôt que de soutenir fièrement les entreprises ayant leur siège social au Québec ?

Dans les semaines à venir, cette élection devrait porter sur la création de richesse pour l’ensemble de l’économie québécoise. Si nous ne pouvons pas créer des entreprises fortes et en croissance, installées au Québec, nous ne pouvons pas espérer la prospérité et une société forte au XXIe siècle.

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