Le Québec est affecté par une crise du logement sans précédent. Qui aurait cru que des municipalités en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou en Abitibi-Témiscamingue afficheraient des taux d’inoccupation en deçà de 1 % ?

Il n’y a pas une journée où le manque de logements ne fait pas les manchettes. Dans son plus récent rapport sur la pénurie de logements, rendu public le 22 juin dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime qu’il faudrait plus de 620 000 nouveaux logements au Québec d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité.

Ainsi, à la pénurie de logements s’ajoute la problématique de l’abordabilité également constatée dans toutes les régions du Québec, qui affecte considérablement l’accès au logement pour de nombreux ménages.

Le manque de logements locatifs, abordables et d’habitations disponibles est devenu un enjeu d’intérêt économique. En effet, la pénurie de main-d’œuvre a fait apparaître de façon encore plus criante les conséquences de ce manque de logements. Comment accueillir de nouveaux travailleurs sans pouvoir les loger ?

Ainsi, le rêve de trop de gens de s’établir en région, attirés par des emplois intéressants et un cadre vie enchanteur, ne pourra se réaliser. Même chose pour l’entrepreneur qui voit ses projets de développement freinés tout simplement par manque de logements pour ses nouveaux employés.

C’est ici qu’entrent en jeu les acteurs municipaux. Les gouvernements qui se sont succédés n’ont jamais réalisé leurs promesses en matière de logements sociaux, communautaires, ni abordables, démontrant ainsi que l’approche par des programmes nationaux ne fonctionne pas. Pour la Fédération québécoise des municipalités (FQM), il est grand temps de changer la façon de faire, d’élargir notre regard pour parler davantage de vision et de planification de notre habitat à échelle humaine.

Il est temps d’amorcer la décentralisation des pouvoirs en matière d’habitation aux territoires.

Vendredi, les maires de Laval et de Longueuil ont convié leurs homologues des 10 grandes villes du Québec à prendre position sur la question. La FQM y sera à titre de porte-parole des régions, réunissant plus de 1000 municipalités locales et régionales membres sur une base volontaire. Nous y expliquerons que les problèmes en habitation se posent différemment dans nos territoires et que les solutions doivent être adaptées à cette réalité pour répondre concrètement aux besoins.

À cet égard, la FQM entend réitérer la nécessité de décentraliser les politiques et la gestion des programmes de la Société d’habitation du Québec (SHQ) pour notamment s’attaquer aux complexités administratives qui freinent les initiatives en ce domaine.

En effet, l’habitation constitue une préoccupation de niveau municipal et est directement liée à ses responsabilités en aménagement du territoire. La mobilisation actuelle et les premières solutions innovantes développées jusqu’à maintenant illustrent cette réalité.

Déjà, plusieurs municipalités locales ou régionales se sont dotées de politiques ou de stratégies auxquelles s’attachent des outils d’aide aux municipalités, comme l’a fait la MRC de Brome-Missisquoi. La MRC de Coaticook a créé un poste de chargé de projet en habitation afin de faciliter la réalisation des projets donnant des résultats immédiats. La Ville de Victoriaville a quant à elle adopté une règlementation qui permet maintenant l’ajout de mini-maisons sur le terrain des propriétés afin d’accroître l’offre de logements et faciliter la cohabitation intergénérationnelle.

La MRC de Rimouski-Neigette explore d’autres avenues afin de maximiser l’occupation de son territoire, notamment rural, mais dont les projets sont malheureusement bloqués par une application trop restrictive des orientations gouvernementales en aménagement du territoire.

En Gaspésie, les élus municipaux ont mis en place un programme de soutien à la construction de logements locatifs et résidentiels ainsi qu’une campagne « Bâtir la Gaspésie ensemble, une habitation à la fois » pour répondre aux besoins urgents et accroître l’offre de logements. Toutes ces initiatives font la démonstration que les solutions existent et qu’elles sont en grande partie locales.

Le contexte actuel nous force à revoir nos façons d’intervenir dans les milieux. Il faut oser être audacieux et adapter les interventions aux réels besoins des populations en matière d’habitation dans un tout cohérent. Il est donc temps de mettre en place des solutions qui se rapprochent du terrain et de déployer une véritable décentralisation de la gestion des programmes gouvernementaux en habitation.

Conjuguée avec la connaissance des réalités locales, une telle décentralisation permettra des actions et des résultats rapides nécessaires. Il revient donc à notre gouvernement d’effectuer cette décentralisation pour que les municipalités locales et régionales bénéficient de moyens accrus et puissent agir de façon renforcée.

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