Le rapport de la vérificatrice générale du Québec, publié la semaine dernière, dévoile qu’en raison de l’inflation, le déficit prévu de 6,5 milliards de dollars pour cette année sera plutôt un surplus de 1,7 milliard.

Cette nouvelle n’a rien de surprenant dans le contexte inflationniste que nous vivons. La hausse des prix des biens et services gonfle les revenus de la TPS et de la TVQ, dont bénéficient Québec et Ottawa. Puisque les salaires sont ajustés (souvent partiellement) pour suivre la hausse de l’indice des prix à la consommation, les revenus provenant de l’impôt des particuliers et des sociétés s’accroissent aussi. Les gouvernements du Canada et du Québec en sont bien heureux.

La réalité des municipalités est à l’opposé. Elles ne récoltent pas de revenus de la TVQ, à l’exception du point de la croissance de la TVQ arraché lors du dernier pacte fiscal 1, pas plus qu’elles ne récoltent d’impôt sur le revenu des particuliers ou des entreprises.

De fait, elles sont largement dépendantes de l’impôt foncier, qui représente de 55 % à 70 % de leurs revenus. ⁠2

Même si la valeur de l’immobilier a explosé ces dernières années, les municipalités ne bénéficient que très partiellement de cette hausse. Si l’impôt foncier est une taxe sur la richesse, il est collecté sur le revenu après impôt des propriétaires, un revenu maintenant rongé par la hausse du coût de la vie.

En résumé, l’inflation permet d’emplir les coffres de Québec et d’Ottawa sans que ces dernières n’aient à lever le petit doigt. Les villes, qui sont pourtant des gouvernements de proximité, sont contraintes de considérer des hausses de taxes foncières visibles auprès de citoyennes et citoyens déjà étranglés par l’inflation ou une diminution marquée de services essentiels et de proximité. Si les gouvernements canadien et québécois peuvent recourir aux déficits pour financer leurs programmes, la législation provinciale prive les villes de cette possibilité et force la présentation de budgets équilibrés.

Disons-le franchement : il y a entre deux ordres de gouvernement, Québec et les villes, un déséquilibre fiscal massif et structurel, qui ne peut plus être ignoré.

Au fil des ans, Québec a imposé des normes de plus en plus élevées à respecter en matière d’environnement, de santé et sécurité, de protection du patrimoine, de protection civile et autres responsabilités municipales. Ces normes plus strictes entraînent des augmentations de coûts pour les villes.

Qui plus est, les compensations tenant lieu de taxes pour les écoles, hôpitaux et autres édifices gouvernementaux ne correspondent qu’à de 71,5 % à 84,5 % de la taxe foncière. C’est donc dire que les municipalités subventionnent les services qu’elles offrent aux édifices gouvernementaux.

Bref, ce que Québec donne d’une main dans les récents pactes fiscaux, il le reprend souvent de l’autre en déchargeant de nouvelles responsabilités dans la cour des villes.

Je serai présent au Sommet électoral de l’Union des municipalités du Québec, le 16 septembre à Montréal, où les élus municipaux entendront les chefs des partis politiques se positionner sur divers enjeux, dont les finances et la fiscalité.

À la veille de ce sommet, je me permets d’y aller d’un conseil aux chefs qui y seront : de grâce, évitez la tentation de profiter de cette apparente abondance pour procéder à une surenchère de dépenses électorales ou de réductions d’impôts pendant que les municipalités seront confrontées à des choix déchirants.

Après tout, nous servons la même population, les mêmes citoyennes et citoyens, les mêmes contribuables.

À n’en pas douter, l’écart entre la capacité fiscale du gouvernement du Québec et les gouvernements municipaux constitue bel et bien un déséquilibre fiscal structurel. Régler ce déséquilibre devra être une priorité du prochain gouvernement du Québec.

1. https://www.mamh.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/organisation_municipale/accord_partenariat/Partenariat2020-2024_Entente.pdf

2. https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Note-Fiscalite-municipale-WEB-02.pdf

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