Le profilage racial est une problématique importante dans notre société. Toutes les recherches menées et les rapports publiés sur la question depuis les vingt dernières années sont unanimes : les personnes racisées font l’objet d’interpellations disproportionnées de la part de la police. Le rapport Armony est également clair sur le fait que cette disproportion n’est pas due à une criminalisation plus importante des personnes racisées. Elle est plutôt le résultat du profilage racial : un phénomène qui amène les policiers à sélectionner plus souvent et à traiter différemment certains individus à cause de la couleur de leur peau.

M. François Ducas a dit « assez » et a décidé de se battre face à ses droits qui ont été lésés par deux policières de la Ville de Repentigny. Le Tribunal des droits de la personne, sous la plume de la juge Doris Thibault, lui a donné gain de cause. Cependant, une analyse de la décision nous permet de voir que cette victoire est teintée d’éléments nous permettant de douter de son réel impact pour les victimes.

Un homme noir au volant d’une auto de luxe

En 2017, les policières ont croisé le véhicule de M. Ducas et décidé de faire demi-tour. Rien dans la conduite de M. Ducas ou dans son comportement ne justifie cette décision, mis à part deux éléments : il est noir et conduit une auto de luxe.

Ce phénomène est connu sous le sigle Driving While Black (DWB) et fait référence au fait que les personnes noires conduisant des autos considérées comme étant luxueuses se font systématiquement interpeller plus souvent par les forces de l’ordre. Cela découle d’un stéréotype associant auto de luxe et personne noire à la criminalité.

Il ne s’agit pas d’un simple désagrément. Il faut souligner que très souvent, ces conducteurs doivent subir des contrôles d’identité à répétition dans une année sans qu’aucune infraction ne leur soit reprochée. Pourtant, le juge y voit là une manifestation inconsciente du profilage racial. La décision de faire demi-tour ne l’était pourtant pas. Suivre M. Ducas pendant une longue distance non plus. Pourquoi alors excuser de la sorte le comportement répréhensible des policières ?

Mais il y a plus.

M. Ducas a été arrêté, fouillé, menotté et détenu parce qu’il protestait face à une intervention qu’il estimait être fondée sur des motifs raciaux, donc illégale. Un citoyen a-t-il l’obligation d’obtempérer à l’ordre illégal d’un policier ? La Cour suprême dans l’arrêt Kosoian rendu en 2019 répond par la négative. Le Tribunal des droits de la personne estime pourtant que oui. De plus, le traitement dont fut l’objet M. Ducas était justifié selon le Tribunal.

Pas de dédommagement

Avec égards, j’estime qu’il s’agit d’une mauvaise compréhension de la manifestation de cet enjeu important.

Si la décision de l’intercepter était fondée sur des motifs raciaux, la jurisprudence nous enseigne que toute l’intervention est contaminée. Il n’a pourtant pas été dédommagé pour ce traitement abusif et différentiel.

De plus, la Commission réclamait pour M. Ducas une compensation de 34 000 $. Le Tribunal lui a accordé 8000 $. Aucun dommage punitif envers les policières fautives. Aucune ordonnance mandatoire envers la Ville de Repentigny. C’est bien peu, surtout considérant que c’est la Ville qui épongera la facture.

Les villes et les forces de l’ordre disent vouloir combattre le profilage racial. Les tribunaux aussi. Cependant, à quand des réparations substantives et dissuasives pour mettre fin à ce fléau dans notre société ?

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