C’est avec tristesse que nous avons appris, le 14 juillet dernier, le décès de Luc Bouthillier, ce grand défenseur de l’aspect social de la foresterie au Québec.

Nous avons connu M. Bouthillier en 2013, aux balbutiements de notre engagement à vouloir protéger les forêts naturelles et anciennes du mont Kaaikop à Sainte-Lucie-des-Laurentides.

PHOTO MARTINE LAPOINTE, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ LAVAL

Feu Luc Bouthillier, professeur de l’Université Laval

En fait en 2013, tous les espoirs étaient au rendez-vous avec l’application d’une loi novatrice, la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier.

Cette loi découlait des recommandations de la commission Coulombe, en réponse au grand dérangement engendré par le film L’erreur boréale paru il y a plus de 20 ans. Elle devait redonner pleine indépendance au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) et donner une réelle voix aux citoyens.

En plus de souligner l’importance environnementale des forêts, cette loi plaçait les communautés au cœur du processus d’aménagement durable des forêts afin qu’il puisse répondre à leurs nombreux besoins socioéconomiques reliés au potentiel économique, écologique et social des forêts et de tous les produits qui en découlent.

Le cas du mont Kaaikop, dans la MRC des Laurentides, a illustré, dès son application, l’échec du fondement principal de cette loi. Et la situation à ce jour n’a guère évolué.

Monsieur Bouthillier, au courant du cas Kaaikop qui prenait de plus en plus d’ampleur médiatique, nous avait transmis cette citation à inscrire à notre mémoire déposé en novembre 2013 au Comité de règlement des différends, auquel on nous avait incités à participer, bien qu’il ne s’adressait pas à nous :

L’acceptabilité sociale invite l’expert à enrichir sa pratique par une sensibilité à la beauté du monde et surtout, aux gens qui l’habitent. Avons-nous échappé quelque chose dans le cas du mont Kaaikop ?

L’esprit de la réforme en place depuis avril dernier en est un d’ouverture aux citoyens. Nous ne sommes qu’au début d’un long processus d’apprentissage qui vise à détricoter 150 ans de délégation de pouvoir aux industriels forestiers. Le cas du mont Kaaikop me semble exemplaire pour démontrer les limites du système dans son fonctionnement actuel. Alors, apprenons avec une préoccupation de transparence puisqu’il y a des milliers de gens qui suivent ce cas.

Luc Bouthillier, Ph. D., professeur de politique forestière et d’évaluation environnementale, Université Laval, Québec

Par la suite, nous avons obtenu une injonction interlocutoire en Cour supérieure afin de faire arrêter le projet de coupes forestières au mont Kaaikop. (Kaaikop jugement c. Roy, janvier 2014)

Qu’a fait M. Bouthillier ensuite ? Il nous a invités à présenter notre cas dans son cours de Problématique forestière du Québec, cours obligatoire de fin de baccalauréat en génie forestier à la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval.

En grand pédagogue, il visait à sensibiliser tous ces futurs gestionnaires de nos forêts à l’importance de l’aspect social en foresterie, nommément l’acceptabilité sociale.

Nous y sommes allés pendant cinq années, la dernière étant en 2020. Nous avons vu à l’œuvre un grand professeur avec une réelle passion pour la transmission du savoir.

À notre première rencontre, nous sommes allés à son bureau de l’Université Laval, une minuscule pièce encombrée d’étagères et d’un petit bureau, le tout rempli de livres et de rapports ! Cela cadrait tellement bien avec l’image de cet homme de science !

Et que dire de sa capacité de communiquer, tant dans sa classe, que dans les couloirs ou dans les lieux publics : un homme théâtral qui ne laissait personne indifférent sur son passage, tant pour ses connaissances que pour sa personnalité !

Un grand pédagogue, un être très respectueux des autres et un ardent défenseur d’une pratique forestière inclusive aux communautés nous a quittés.

Nous ne vous oublierons pas, M. Bouthillier. En fait, nos actions seront telles de faire en sorte que les citoyens et citoyennes aient une vraie place dans l’aménagement de notre territoire forestier au Québec.

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