Le 24 juin dernier, la ville de Surfside, en Floride, organisait une cérémonie commémorative des 98 victimes de l’effondrement du Champlain Towers South, un immeuble résidentiel en copropriété.

Si les causes exactes de la tragédie font toujours l’objet d’une enquête, une entente de règlement en faveur des familles endeuillées a néanmoins été approuvée presque un an après l’événement, et une nouvelle loi a été adoptée par la Floride afin de durcir les règles entourant le processus de certification périodique des immeubles en copropriété, en plus de renforcer la gouvernance de ces entités.

Les problèmes de structure du Champlain Towers South étaient connus et documentés dans un rapport d’ingénieur depuis 2018, mais l’association de copropriétaires ne disposait que de moins de 7 % des sommes requises pour faire face aux réparations majeures identifiées. Les procès-verbaux et autres documents rendus publics témoignent de différends entre les membres du conseil, dont cinq sur sept ont démissionné à l’automne 2019. Le niveau d’urgence, mais surtout le financement des travaux, était au cœur des désaccords.

Une cotisation spéciale allant de 80 000 $ pour les plus petites unités à 336 000 $ pour l’unité au penthouse était due quelques semaines après la catastrophe afin d’entreprendre les travaux.

Les problèmes de gouvernance de cette association de copropriétaires étaient bien réels.

Tragédies

Comme ce fut le cas en Floride, c’est souvent à la suite de tragédies qu’on impose de nouvelles règles. Au Québec, le projet de loi 122 exigeant des inspections préventives de composantes structurelles pour certaines catégories d’immeubles a ainsi été déposé en 2010 après l’effondrement d’un stationnement à étages souterrain à Saint-Laurent, et après le détachement d’un bloc de béton au 18e étage d’un hôtel de la rue Peel à Montréal.

Depuis, le gouvernement provincial est allé plus loin en adoptant des modifications au Code civil du Québec en 2018 (loi 141) et en 2019 (loi 16), changements permettant entre autres d’encadrer la création d’un fonds d’autoassurance, le suivi d’un carnet d’entretien et l’étude du fonds de prévoyance.

Il n’y a cependant pas de police des copropriétés. On se fie essentiellement à la diligence des administrateurs pour contrôler et appliquer les exigences prévues dans les lois et les déclarations de copropriété.

Malheureusement, les conflits internes comme ceux de Surfside sont monnaie courante en copropriété. La gouvernance de ces entités est souvent faible, et bien des administrateurs s’engagent pour des questions d’intérêt personnel ou tout simplement par dépit en l’absence d’autres volontaires.

Le rôle du conseil et les responsabilités des administrateurs sont mal connus, et les compétences réputées essentielles dans un conseil d’administration de tout autre organisme sont rarement un prérequis en copropriété.

On fait alors communément appel à un gestionnaire externe à qui on s’en remet pour les décisions importantes. Cependant, le marché encore naissant de la gestion de copropriété attire des individus qui s’improvisent dans ce rôle, alors que les besoins requièrent l’agrégation de nombreuses expertises (comptable, juridique, mécanique du bâtiment, etc.).

Contrairement à bien des organisations, l’asymétrie d’information est en partie double dans les syndicats de copropriété : les administrateurs, qui pour la plupart résident dans l’immeuble, sont au fait des besoins immédiats en matière d’entretien, de réparations, de communication, etc., mais c’est le gestionnaire — qui est peu ou pas présent dans l’immeuble — qui dispose des informations financières et qui peut accéder aux dernières versions des différents registres de la copropriété. Chaque syndicat se doit de définir un cadre de gouvernance adapté pour éviter les conflits ou les mauvaises décisions, conséquences autrement inéluctables de cette double asymétrie d’information.

Toutefois, les syndicats de copropriété investissent peu dans leur gouvernance. La recherche des « frais de condo » les plus bas mène à des sous-investissements importants sur tous les plans, incluant pour la conservation de l’immeuble qui représente pourtant l’actif le plus important de nombreux copropriétaires.

Prévention

Pour éviter une tragédie à la Champlain Towers South, pour prévenir des drames financiers ou humains malheureusement trop fréquents en copropriété, le gouvernement devrait :

  • créer une entité (ou donner le mandat à une entité existante) qui s’assurerait au minimum de l’application des règles en vigueur — autant pour la gestion financière que pour le contrôle du niveau de vétusté des immeubles —, mais qui agirait aussi comme ressource pour les administrateurs de syndicats de copropriété ;
  • réfléchir à l’encadrement requis pour les gestionnaires de copropriété, et au besoin d’en faire une profession régie par un ordre professionnel qui pourrait ainsi contrôler la compétence et l’intégrité de ses membres, et assurer la protection du public.

De plus, les syndicats de copropriété devraient prévoir un budget annuellement pour la formation de leurs administrateurs, et ne pas hésiter à investir dans l’établissement des règles d’imputabilité et des principes de fonctionnement essentiels à la saine gouvernance de leur organisme.

Il est temps de redresser, de renforcer la gouvernance de ces entités qui a trop longtemps été négligée.

* Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.

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