Inondation, sécheresse, canicule, tornade, ouragan : les évènements météorologiques extrêmes tuent. Ils empoisonnent aussi la santé mentale de milliers d’entre nous.

En effet, comment se réjouir lorsque l’on constate les dégâts à notre domicile après une inondation ? Comment être submergé de bonheur lorsque sa maison est la proie des flammes en raison d’incendies de forêt comme ce fut le cas à Lytton, en Colombie-Britannique, l’été passé? Comment se réjouir d’une canicule qui s’éternise et dont le mercure demeure au-dessus de 30 °C même la nuit ?

Ces évènements deviendront « normaux » et plus fréquents. Malgré une littérature relativement récente à ce sujet, les changements climatiques risquent d’affecter significativement la santé physique et mentale des individus en plus d’accélérer le développement de diverses pathologies. Les effets des changements climatiques peuvent être directs, indirects, à court terme ou à long terme. Ces évènements agissent comme des mécanismes qui s’apparentent à ceux d’un stress traumatique2 conduisant à des schémas psychopathologiques déjà bien connus. Les changements climatiques accentuent ainsi les probabilités de vivre un stress traumatique.

De plus, les impacts d’une exposition à des évènements météorologiques extrêmes peuvent émerger tardivement, ce qui favorise les troubles liés au stress post-traumatique et potentiellement transmis aux plus jeunes générations.

En d’autres mots, les changements climatiques sont une véritable bombe à retardement pour la santé mentale de l’humanité surtout au moment où le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes3 vivent dans des zones très vulnérables aux effets des changements climatiques.

Crise silencieuse

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les troubles anxieux et dépressifs ont augmenté de près de 25 % pendant la première année de la pandémie seulement. Or, les services de santé mentale ont été grandement perturbés et le déficit de traitement des troubles psychiques s’est aggravé. La crise climatique s’amène doucement et ne causera vraisemblablement pas un choc similaire à celui de la pandémie de COVID-19, mais les troubles de santé mentale émergeront tranquillement et durant très longtemps. On peut la qualifier de crise silencieuse. Encore une fois, il faut être réaliste : le nombre de personnes qui auront besoin d’aide explosera. Pis encore, le nombre de personnes qui crieront à l’aide surpassera toutes les attentes.

En outre, les services de santé au Québec comme ailleurs ne sont pas adéquatement préparés pour faire face à cette crise de santé mentale. Au Canada et au Québec, par exemple, près d’une personne sur cinq4 est atteinte de troubles mentaux, d’après des données peu récentes de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Or, les services en santé mentale ailleurs dans le monde sont loin d’être équivalents à ceux offerts ici au Québec et au Canada. Il faut se le dire, c’est un privilège de recevoir des soins en santé mentale bien qu’ils soient relativement difficiles d’accès. D’ailleurs, cette difficulté d’accès est susceptible d’exacerber la crise qui nous guette.

Finalement, la relation entre les évènements climatiques et les troubles mentaux se décline par l’introduction de nouveaux termes, dont l’écoanxiété, l’écoculpabilité, le chagrin écologique et la solastalgie5. Ils sont même déjà vécus par de nombreux jeunes adultes. Le Mouvement Santé mentale Québec estime que la majorité des jeunes adultes6 de la province sont d’ores et déjà affectés par l’écoanxiété et ses dérivés caractérisés par un sentiment de détresse face aux enjeux environnementaux liés au dérèglement des écosystèmes. Nul doute que c’est un problème s’ajoutant aux multiples autres problématiques en matière de santé publique, plus insidieux que jamais.

La planète est malade ; ses gens aussi. On peut aider ou laisser mourir…

1. Zeidler, Maryse (2021, 5 juillet). « Le feu qui a détruit le village de Lytton serait d’origine humaine », ICI Radio-Canada

2. Cianconi Paolo, Betrò, Sophia and Janiri, Luigi (2020). « The Impact of Climate Change on Mental Health: A Systematic Descriptive Review », Front. Psychiatry 11:74, DOI : 10.3389/fpsyt.2020.00074

3. IPCC (2022). « Sixth Assessment Report – Headline Statement » (en anglais) 4. INSPQ (2010). « Surveillance des troubles mentaux au Québec — prévalence, mortalité et profil d’utilisation des services »

5. Cianconi Paolo, Betrò, Sophia and Janiri, Luigi (2020). « The Impact of Climate Change on Mental Health: A Systematic Descriptive Review », Front. Psychiatry 11:74. Doi : 10.3389/fpsyt.2020.00074

6. Agence QMI (2022, 27 avril). « La majorité des jeunes adultes souffrent d’écoanxiété », TVA Nouvelles Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion