La Ville de Montréal montre une fois plus qu’elle reste ancrée dans le statu quo plutôt que de sortir des sentiers battus et penser autrement l’itinérance. La répression des personnes en situation d’itinérance n’est pas chose nouvelle, mais nous ne pouvons que constater que la situation est loin de s’améliorer.

Montréal s’affichant comme une ville inclusive, le développement social du quartier Ville-Marie a décidé de promouvoir un poste d’agent de liaison en itinérance. Jusqu’ici, tout va bien, rien à signaler et cela laisse même croire aux citoyen.nes du quartier qu’il s’agit d’une initiative remarquable pour le bien de tous.tes.

Cependant, quand on va plus loin dans la description, il s’agit d’un poste pour coordonner les actions à prendre lors d’évictions ou de démantèlements des abris temporaires, campements et tentes sur le domaine public et privé. Il n’y a pas plus clair, il s’agit d’un poste pour coordonner la répression. Montréal aurait pu choisir d’ouvrir un poste pour coordonner le bien-être des personnes qui habitent dans des abris, des tentes ou des campements, mais au lieu, la Ville a encore une fois opté pour la non-tolérance.

Difficile de mâcher nos mots quand nous devons encore prendre le temps de défendre les droits des personnes en situation d’itinérance face aux actions de l’administration municipale au lieu de multiplier des actions concrètes pour les soutenir dans leur contexte de vie. La crise du logement n’est plus à démontrer, peu de logements réellement abordables sont disponibles à Montréal. Nous savons aussi que les lits manquent dans les refuges et que plusieurs personnes ne trouvent simplement pas leur place dans les ressources disponibles : il manque de réponses adaptées et diversifiées pour adéquatement répondre aux besoins des personnes en situation d’itinérance.

Nous constatons qu’il semble y avoir un décalage entre la position de l'administration municipale et les réels enjeux en itinérance vécus sur le terrain et les droits des personnes qui habitent la rue. En effet, les démantèlements nuisent à la stabilité et à l’autonomie des personnes et mettent en danger la vie d’humains.

Ce n’est pas seulement des tentes qu’on démantèle, mais des personnes qu’on déplace en leur rappelant qu’elles n’ont nulle part où aller. La réponse d’urgence en itinérance n’est pas adaptée actuellement, et il est grand temps qu’on remédie à la situation. Plusieurs villes ont mis en place des initiatives qui répondent aux besoins des personnes qui se retrouvent à habiter la rue.

Prenons par exemple Granby qui a ouvert un parc afin d’offrir une stabilité pour les personnes qui habitent dans la rue et ainsi les soutenir au quotidien afin d’assurer une certaine sécurité pour leur vie et leur santé. Prenons Halifax qui a fait de même ou Sherbrooke et Gatineau qui nettoient périodiquement les campements plutôt que de les démanteler… Pourquoi Montréal n’innove-t-il pas lorsqu’on sait que c’est plus de 80 % de la population itinérante au Québec qui s’y retrouve ?

Nous devons agir rapidement pour cesser la répression et ainsi mettre en place des initiatives pour promouvoir le vrai bien-être des personnes dans la rue. C’est un non-sens de ne pas tolérer les campements et de ne pas considérer la rue comme un habitat quand il n’y a aucune solution de rechange. Les démantèlements sont des pratiques répressives qui ne font que disperser les personnes loin de leurs réseaux naturels, les isolant encore plus et les mettant davantage à risque de surdoses ou de violence dans nos communautés. Il est reconnu par Mme Marie-Josée Houle du Bureau du défenseur fédéral du logement dans son dernier rapport sur le logement que les personnes font face à une situation où leurs droits sont bafoués. Agissons maintenant afin qu’elles aient les conditions nécessaires pour assurer leur dignité, leur autonomie et leur sécurité.

*Caroline Leblnc mène également la recherche FACE, qui porte sur la réalité des personnes qui habitent la rue.
Ont également cosigné ce texte : Catherine Marcoux, organisatrice communautaire, Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) et Jade Bourdages, professeure, École de travail social, Université du Québec à Montréal.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion