J’ai commencé à travailler dans le communautaire il y a maintenant trois ans. Je suis intervenante en prévention du suicide et je suis aussi intervenante en centre d’hébergement auprès de femmes en situation d’itinérance.

Les intervenants sur le terrain sont compétents, bien formés, et les organismes communautaires sont, à mon humble avis, tout simplement des ressources inestimables. Prenons l’exemple des lignes d’écoute et d’intervention. Ce sont des ressources qui sont essentielles de par leur service souvent offert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les personnes en crise suicidaire nous appellent, et on peut assurer leur sécurité tout en intervenant auprès d’elles.

Toutefois, on a beaucoup d’appelants qui nous expliquent qu’ils ont tenté d’obtenir un suivi psychologique, mais qu’ils n’y arrivent pas. Ils sont dirigés vers d’autres services ou professionnels qui jouent un rôle important, mais qui n’offrent pas une évaluation des troubles mentaux et de la psychothérapie.

Certains nous contactent après des tentatives de suicide et nous informent que leur hospitalisation a duré 24 heures, et qu’aucun suivi en psychologie ne leur est assuré.

C’est démoralisant et ça fait en sorte que les problèmes persistent et que les situations de crise se répètent.

On sait que d’avoir accès à un ou une psychologue est souvent essentiel et que la psychothérapie est protectrice, mais c’est trop souvent inaccessible. Idéalement, on travaillerait avec les personnes qui appellent pour les amener à consulter un psychologue pour traiter leurs problèmes de fond. On serait là pour les accompagner dans les moments difficiles quand leur psychologue n’est pas disponible. Il serait faux de dire aux appelants et appelantes qu’ils ont accès à plein de ressources, alors qu’en réalité, on est la seule qui est accessible pour eux en ce moment. On entend leur frustration, leur détresse en lien avec le manque d’accès aux psychologues. On la vit avec eux aussi.

Travailler dans des organismes communautaires, c’est être confronté aux troubles de santé mentale, à la pauvreté et, bien souvent, au désespoir et à la souffrance psychologique.

Femmes en situation d’itinérance

En tant qu’intervenante en centre d’hébergement, je suis face à des femmes qui ont eu des parcours de vie différents, mais qui ont en commun de se retrouver en situation d’itinérance. La violence conjugale, des troubles mentaux graves comme la schizophrénie, les troubles de consommation sont quelques-unes des raisons qui amènent une femme ou une mère à se retrouver à la rue. Les résidantes ont pour beaucoup des suivis en psychiatrie, mais la grande majorité n’a pas de suivi auprès d’un psychologue et elles en auraient voulu. C’est quelque chose dont elles nous parlent souvent. Elles en ont besoin et le demandent. Elles s’en plaignent. Les intervenantes psychosociales ont un rôle essentiel dans leur vie, mais on ressent la lacune quant à l’accès à un psychologue. Surtout quand on a des femmes qui pensent au suicide, qui ont un trouble de personnalité, des symptômes anxieux ou dépressifs. On est limités à ce moment-là dans nos interventions.

On remarque bien la différence entre les services communautaires qui assurent un soutien rapide, souvent à court terme et une gestion de crise, et un suivi en psychologie qui permet de traiter des problèmes psychologiques de fond.

Il devient assez clair que ce sont des services complémentaires, qui ne devraient jamais être considérés comme étant interchangeables.

Si l’on veut soulager la souffrance humaine, soutenir le milieu communautaire et sauver des vies, il est essentiel d’offrir un meilleur accès aux psychologues dans le réseau public. Pour cette raison, je soutiens de tout cœur la Coalition des psychologues du réseau public québécois et leur mission. M. Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, j’espère que vous mettrez en place leurs solutions très rapidement afin d’améliorer l’accès aux psychologues dans le réseau public. Chaque jour qui passe sans que cela soit fait est un jour de trop ! Au Québec, trois personnes mettent fin à leurs jours tous les jours.

Il est plus que temps que ça change ! L’inaction est, à mon sens, une forme de maltraitance.

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