En fin d’année scolaire alors que la pénurie de main-d’œuvre occupe les esprits de tout le monde, dans presque tous les secteurs d’activité, le gouvernement du Québec lance une campagne publicitaire pour recruter des enseignants. La campagne « Je réponds présent » cherche à attirer des personnes titulaires de baccalauréats disciplinaires — même si elles n’ont pas de formation en didactique et en pédagogie — afin de pourvoir les postes vides.

Évidemment, cette solution ne réglera pas le problème à la source et représente au mieux un remède temporaire. Je souhaite surtout que la CAQ et François Legault élaborent des solutions plus complètes qu’ils pourraient présenter lors de la campagne électorale de l’automne et que le prochain gouvernement du Québec (qu’il soit caquiste ou d’une autre allégeance) procède à une véritable réflexion sur l’avenir de la profession enseignante.

Avec 11 ans d’expérience, je peux du moins présenter quelques constats sur les problèmes qui existent et quelques solutions qui — j’ose le croire — nous permettraient de sortir des sentiers battus.

Avant de parler de pénurie de main-d’œuvre, il est important de constater que plusieurs enseignants qui voudraient travailler à temps plein n’arrivent pas à obtenir un poste à 100 % en raison d’un manque d’offre ou, dans bien des cas, à cause de blocages administratifs qui ne permettent pas le jumelage de certains postes.

Avant d’embaucher de nouvelles personnes, il faudrait s’attarder à celles qui sont déjà à l’emploi. Cela contribue au prochain problème, qui est celui de la rétention.

Depuis de nombreuses années, nous entendons que 20 à 25 % des enseignants quittent la profession dans leurs cinq premières années. Cela est bien sûr dû aux conditions de travail exigeantes. On peut penser aux classes surpeuplées ou à la précarité.

Il reste que nous devons surtout repenser le recrutement. La société québécoise doit se questionner très sérieusement sur le rôle et la fonction des enseignants et tenter de recruter les meilleurs candidats. J’ai la chance d’être entouré de nombreuses personnes aussi intelligentes que talentueuses dans le cadre de mes cercles sociaux. Elles ont fait des études en droit, en génie, en sociologie, en journalisme, en sciences informatiques, en biochimie. Elles occupent maintenant des emplois dans ces domaines. Malheureusement, une carrière en enseignement ne leur a pas semblé un choix attirant. Dans d’autres cas, elles veulent s’engager dans l’enseignement plus tard dans la vie, mais font face à un chemin long et décourageant, malgré le fait qu’elles détiennent des formations et une expérience plus que pertinentes.

Une nouvelle conception

Il faut attirer ces candidats et rappeler que la profession enseignante représente un métier d’intellectuel où nous ne sommes pas que des gestionnaires de classe. Nous avons surtout besoin d’une nouvelle conception de l’enseignement. Il faut aller au-delà des généralités. On ne peut pas juste se rabattre sur les belles formulations en rappelant qu’on forme les jeunes de l’avenir.

Que l’on pense à la révolution numérique, aux changements climatiques ou au vieillissement de la population, les défis de notre présent requièrent que nous formions les jeunes à penser, à réfléchir et à innover. Nous ne pouvons pas juste enseigner des compétences techniques, mais il faut transmettre une culture afin d’aborder le monde pour en trouver un sens.

Je propose d’élargir les critères d’accès à la profession enseignante. Certes, le baccalauréat en enseignement demeure une option viable, mais il faut ouvrir la profession à tout titulaire d’un baccalauréat et pas seulement les baccalauréats disciplinaires (certains auront assurément des maîtrises aussi).

À l’heure actuelle, un enseignant de français doit être formé en littérature, on ne lui reconnaîtra pas une formation disciplinaire en communication, en journalisme ou en philosophie. Un enseignant d’univers social doit être formé en géographie ou en histoire, les parcours universitaires en science politique, en économie ou dans les autres disciplines des sciences humaines ne sont pas reconnus. Il reste que les connaissances que nous enseignons n’ont pas toutes été acquises dans le cadre de nos formations universitaires. Un diplôme représente un gage de compétence, c’est la preuve que nous avons une certaine méthode, une discipline et une rigueur. On peut donc aisément acquérir les connaissances qu’on nous demande d’enseigner et les directions pourront continuer à s’assurer de la compétence et des habiletés des futurs enseignants lors des entrevues d’embauche.

Toute personne détenant un baccalauréat et une expérience en enseignement devrait pouvoir être en mesure d’obtenir un brevet en passant par une maîtrise qualifiante. Ce programme de 60 unités qui se fait présentement en quatre ans (ou plus) mériterait d’être condensé et pourrait se faire en deux ans. Je ne connais aucune autre discipline universitaire où il existe des maîtrises de quatre ans.

Enfin, mes suggestions devraient se confronter aux idées des nombreux autres acteurs du monde de l’éducation. Nous avons essentiellement passé les 20 dernières années à implanter ce qu’on appelle communément la réforme ou le renouveau pédagogique. Le système est mûr pour une prochaine grande réflexion sur la profession enseignante ainsi que sur la formation, le recrutement et la rétention. On se donne rendez-vous à la prochaine commission Parent !

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