Les bonnes nouvelles se font rares dans le domaine environnemental, mais l’annonce du gouvernement fédéral visant l’interdiction de six produits de plastique très répandus, tels que les pailles ou les ustensiles, a suscité un peu d’espoir. Même s’il s’agit d’une bonne nouvelle en soi, cette mesure ne s’attaque toutefois pas du tout au cœur du problème : l’usage unique.

En gros, l’usage unique, c’est un emballage ou un produit qu’on n’utilise qu’une seule fois. Aussitôt utilisé, aussitôt plus utilisable. Nous en avons de nombreux exemples autour de nous au quotidien, particulièrement dans le secteur alimentaire.

Et le gros problème avec l’usage unique, c’est qu’il a des impacts bien au-delà du matériau utilisé. Et avec le bannissement annoncé par Ottawa la semaine dernière, il y aura un transfert des articles à usage unique en plastique bannis vers des articles conçus avec d’autres matériaux, comme le bois ou le carton, par exemple.

Mais n’est-ce pas une amélioration ?

Oui, car le plastique est un matériau très problématique qui prend beaucoup de temps à se dégrader dans l’environnement, qui peut avoir des effets néfastes sur la santé et qui est en plus directement lié à l’industrie fossile, puisque fabriqué à partir de pétrole.

Mais est-ce que cette annonce du gouvernement a le potentiel de réduire de manière importante la quantité de matières que l’on enverra à l’enfouissement ou qui sera jetée dans la nature au Canada ?

La réponse est malheureusement « non, pas tellement ».

Peu importe le produit à usage unique, qu’il soit en plastique, recyclable, compostable ou biodégradable… ça prend des ressources pour le produire, le transporter et le gérer en fin de vie.

L’annonce du gouvernement ne réduira donc pas significativement la pression exercée sur l’exploitation et le gaspillage de ces ressources. C’est à ça que nous devons nous attaquer.

Prenons en exemple la fourchette de bambou qui remplacera éventuellement la fourchette en plastique pour manger notre poutine. Même si elle compostée comme prévue (ce qui n’est pas toujours le cas), il aura fallu consommer beaucoup de ressources et d’énergie pour récolter ledit bambou (fort probablement en Asie, donc pas très localement), l’usiner en forme de fourchette, la transporter par bateau et par camion pour qu’on puisse finalement l’utiliser pour manger notre poutine ici.

Et si le restaurant mettait plutôt à ma disposition une fourchette en métal qui serait lavée entre chaque client et utilisée des centaines, voire des milliers, de fois ? Et si je prends ladite poutine pour emporter, serait-ce si terrible de traîner dans le coffre à gant de ma voiture un petit « set » d’ustensiles réutilisables pour de telles occasions ?

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Tasses à café réutilisables possédant un code QR

Sortir du « prêt-à-jeter »

Plutôt que des bannissements à la pièce, le gouvernement devrait donc proposer une vision d’ensemble pour nous sortir collectivement du « prêt-à-jeter », qui devrait être réservé à des contextes aussi rares que précis, comme dans le domaine médical par exemple. Et encore là, des solutions de rechange existent aussi.

Il nous faut une stratégie nationale pour réduire l’usage unique : une stratégie dotée de financement qui permettrait le déploiement de solutions de rechange réutilisables.

Cette stratégie doit favoriser le changement de nos habitudes, pas seulement le matériau des choses qu’on finit souvent par jeter.

Il faut que le gouvernement rende ce changement simple et abordable pour nous tous.

À cet égard, les solutions pour sortir de ce cycle du gaspillage sont connues : des contenants de boissons et des contenants alimentaires réutilisables. Plusieurs entreprises et petites organisations ont développé des solutions au Québec : pensons au gobelet de café La tasse, aux boîtes à lunch de Retournzy, aux bouteilles de lait consignées ou encore aux bonnes vieilles bouteilles de bière brunes de format standard, qui sont réutilisées de 15 à 25 fois. Maintenant, ces solutions doivent être implantées et déployées à grande échelle, et pour y arriver, ça prend les moyens de nos ambitions. Le réemploi constitue une grande part de la solution pour sortir du prêt-à-jeter, et il doit être financé en conséquence.

Cessons donc de voir l’enjeu du plastique à travers le trou d’une paille – qu’elle soit biodégradable ou non – et élargissons notre perspective pour nous attaquer au problème à sa source. Nous en sommes capables et nous sommes prêtes et prêts pour ce changement.

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