À l’occasion de la fête du Canada, il n’est pas inutile que nous nous interrogions quelque peu sur le sens profond et véritable du fédéralisme et, surtout, que nous distinguions ce dernier de l’unitarisme.

Ainsi, un État unitaire se caractérise par le fait que la souveraineté étatique est exercée par un seul ordre de gouvernement et, plus particulièrement, par un seul Parlement. Cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir une décentralisation, mais celle-ci n’est alors qu’administrative plutôt que législative. Elle repose essentiellement sur des pouvoirs délégués et non pas souverains en tant que tels.

Dans une fédération, les pouvoirs législatifs et la souveraineté de l’État sont partagés entre au moins deux ordres de gouvernement. Chacun est souverain dans l’exercice de ses compétences constitutionnelles.

Il existe aussi des États qu’on appelle quasi fédéraux ou régionaux. Dans ces États, il y a une certaine décentralisation des pouvoirs législatifs, mais celle-ci ne jouit pas d’une protection constitutionnelle aussi étanche que dans une fédération véritable. C’est vraisemblablement le cas pour la Catalogne ou l’Écosse, ces deux entités politiques jouissant d’une dévolution poussée, mais néanmoins relativement précaire, de pouvoirs au sein de leurs États respectifs.

Dans le monde se trouvent aussi un certain nombre d’États que nous qualifierons d’hybrides. Ce sont des États dont la nature est ambiguë et qui n’entrent pas clairement dans une quelconque catégorie. Ce sont la plupart du temps des États unitaires qui possèdent de nombreuses caractéristiques fédérales sans pour autant être « quasi fédéraux », tel que nous avons décrit ce dernier concept précédemment.

Quant à la confédération, dans sa conception classique, elle constitue une association d’États et non un État en elle-même. Ces États délèguent des pouvoirs à des organes communs. Chaque État membre dispose d’un droit de veto à l’égard des décisions les plus importantes et peut se retirer du lien confédéral quand bon lui semble. Le lien confédéral en question est lui-même scellé par une ou des ententes internationales. L’Union européenne, avec sa structure confédérale à la base, mais avec aussi ses nombreux traits fédéraux, constitue un modèle sui generis, une confédération repensée ou nouveau genre, diront certains.

Le Canada est clairement une fédération. Pas parfaite cependant. Mais il n’a jamais été une confédération. Ni avant ni après 1867.

Bien des Canadiens ont une vision et une compréhension unitaires plutôt que fédératives du pays. Ils promeuvent la centralisation des pouvoirs aux mains des instances fédérales et voient dans le Canada une entité mononationale ou uninationale. Pour eux, il n’y a qu’une seule nation au Canada : la nation canadienne.

Pourtant, le Canada est en réalité constitué de maintes nations. Il y a la nation québécoise, les peuples autochtones, le peuple acadien, etc. De fait, le Canada est multinational et le choix historique du fédéralisme pour ce pays visait précisément à permettre à cette diversité intrinsèque de s’épanouir, à l’intérieur de l’autonomie provinciale. Dans ce contexte, ce n’est pas tant la centralisation des pouvoirs qu’il faut rechercher au sein du régime canadien que l’équilibre des pouvoirs, de même que le respect des provinces et de leur autorité en certaines matières déterminées par la Constitution. Il faut aussi valoriser la reconnaissance et le respect des droits des Autochtones.

Le fédéralisme asymétrique

L’idéologie en vertu de laquelle le Canada devrait être constitué d’un gouvernement central très fort, de 10 provinces théoriquement égales et d’individus jouissant de droits et libertés de nature constitutionnelle est très répandue au Canada. Elle s’inspire largement de l’œuvre de Pierre Elliott Trudeau. Mais n’aurait-on pas avantage, comme société, à opter pour un fédéralisme plus asymétrique, c’est-à-dire notamment un fédéralisme qui favorise l’affirmation et la reconnaissance de l’identité particulière du Québec ?

Le fédéralisme asymétrique n’est autre qu’un fédéralisme flexible, capable de s’adapter aux besoins et préoccupations des diverses composantes de l’État fédéral. Ce type de fédéralisme, dont les vertus ont été reconnues à Ottawa, tant par le gouvernement de Paul Martin de 2004 (entente en matière de santé intitulée « Fédéralisme asymétrique qui respecte les compétences du Québec ») que par celui de Stephen Harper (Accord Canada-Québec sur l’UNESCO), est, selon nous, la voie de l’avenir pour le Canada. Il permettrait au Québec de renforcer son identité propre, tout en donnant aux autres provinces la possibilité de faire des choix différents de ceux de la société québécoise, voire d’acquiescer, si elles le souhaitent, à des interventions fédérales dans des champs de compétence provinciaux.

Ce fédéralisme asymétrique dont nous parlons ne saurait toutefois être tous azimuts ni illimité. De fait, il nous semble essentiel que tous les Canadiens partagent un certain nombre de valeurs, de ressources et d’idéaux, bref partagent une expérience sociétale qui soit purement canadienne.

Quoi qu’il en soit, le fédéralisme canadien est déjà asymétrique à bien des égards, notamment en matière de langue. L’asymétrie n’est donc pas incompatible avec le respect du principe fédéral, dans la mesure cependant où elle est bien balisée et qu’elle est pondérée.

Entre l’État unitaire que plusieurs voient en l’ensemble canadien et le fédéralisme véritable, nous optons résolument pour le second. Mais ce fédéralisme, pour être véritable précisément, se doit de célébrer sa diversité intrinsèque, dont la spécificité du Québec. Et la meilleure façon d’y parvenir, c’est en respectant intégralement les compétences des provinces, en fortifiant leur voix dans l’espace canadien et en refusant cet unitarisme qui ne convient pas à un État fédéral comme le Canada.

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