Il y a des situations qui peuvent paraître anodines pour plusieurs, mais qui ont le potentiel de créer de petites catastrophes pour d’autres.

Mon père vit en résidence pour aînés dans la ville paisible de Mont-Saint-Hilaire. Une de ces belles RPA, avec stationnement intérieur et beau jardin fleuri dans une cour privée. Il y habite dans un coquet petit studio d’une pièce depuis que ma mère a dû être placée en CHSLD, atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Lors de sa séparation forcée avec ma mère, il s’est mis au vélo. Un moyen pour lui de se désennuyer, mais surtout, de se maintenir en forme, autant psychologiquement que physiquement. C’est vite devenu une passion.

PHOTO FOURNIE PAR L'AUTEURE

Julie La Rochelle et son père Gilles

Puis, le temps faisant son œuvre, il a décidé de se gâter un peu avec un vélo à assistance électrique. Pour pouvoir continuer à pédaler, beau temps, mauvais temps, contre vents et marées ! Il fallait le voir avec son nouveau bolide, son maillot de vélo et son casque flambant neuf !

Depuis, de février à décembre, mon père se balade dans les rues et les pistes cyclables de notre belle région, sourire aux lèvres !

Nous sommes allés à maintes reprises en famille avec lui arpenter les plus belles routes vertes du Québec. Chose qu’il n’était plus capable de faire depuis quelque temps puisqu’il se fatiguait rapidement. Surtout, son vélo est rapidement devenu symbole de liberté pendant la pandémie, alors qu’il lui a permis de passer au travers du difficile confinement en RPA.

Hier encore, nous en parlions, lui et moi. Il me disait à quel point il était chanceux et heureux de pouvoir compter sur une telle bicyclette. Rouler, rouler, rouler et monter des côtes sans sourciller. Et même dépasser des gens en rigolant, les laissant dans son sillage tout surpris de le voir filer ainsi sur sa belle bécane.

Je le regardais et je me disais à quel point c’était merveilleux de le voir aller, lui qui, lors du placement de ma mère, n’était plus que l’ombre de lui-même… Il était « vivant » !

Un vol prémédité

Et là, ce matin, il m’a annoncé avec désarroi qu’il venait de constater s’être fait voler son vélo, qui était pourtant cadenassé. En plein garage intérieur, dans une résidence pourtant surveillée. Un vol prémédité. Quelqu’un a vu mon père, du haut de ses 84 printemps, se balader à vélo et s’est dit : tiens, je vais le slui dérober, ça doit valoir cher. Il l’a épié et a préparé son larcin. Pour la revente, j’imagine…

Il faut dire que ce n’est pas donné. Plusieurs milliers de dollars. Une vraie petite fortune pour mon père, retraité depuis belle lurette. D’autant plus qu’avec la situation économique actuelle, il sera extrêmement difficile pour lui d’espérer faire l’acquisition d’un nouveau vélo rapidement. Et le temps file !

C’est si cruel.

On s’entend, un vol est toujours quelque chose de terriblement fâchant… mais voler une personne âgée sciemment, la dérober de ce qui la tient en vie est totalement sans cœur. En volant ainsi mon père, ce n’est pas uniquement son vélo qu’on lui a pris. C’est du temps précieux qui ne reviendra pas.

C’est un gros morceau de ce qui le rattachait à la vie et qui lui permettait de tromper la vieillesse à grands coups de pédales, en filant plus vite que le vent sur les pistes cyclables de Mont-Saint-Hilaire.

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