Le capitaine de la francophonie a quitté le navire

Vous partez en France cet été ? Vous êtes de ceux qui trouvent important de protéger la langue française ? Attendez-vous à être secoué en mettant les pieds chez nos cousins.

Les Français font entrer l’anglais au boulot et dans leur vie quotidienne, comme tout le reste de la planète, dirons-nous. Mais aujourd’hui, l’engouement atteint des sommets et leur indifférence devant le phénomène fait sourciller.

Le mois dernier, j’ai transité une nuit à Toulouse et en ai profité pour me balader dans les rues autour de la magnifique place du Capitole. Dès la première minute, je remarque une boutique de vêtements où il est écrit « Free wifi » dans la vitrine. Sur le coup, je me dis que le commerçant toulousain n’avait peut-être juste pas encore trouvé une version française de cette affiche, comme cela peut nous arriver au Canada.

Quelques pas plus loin, je trouve un autre magasin : ChickenCook : le poulet dans tous ses états. Pour m’amuser, je décide alors de prendre en photo les enseignes à connotation anglaise que je trouverai sur ma route. Zest Store, Take Away, Hello Tea, Wok to Work, Absolute mobile : téléphones intelligents, Yogolicious : fresh, pure, delicious !, ColorForever : Nail Bar… Après seulement trois minutes, je ne m’amusais plus. Il y en avait juste trop, partout.

Je me demandais si je ne m’étais pas trompé d’avion et étais atterri en Angleterre plutôt qu’en France.

Ce que j’ai vu à Toulouse, je l’ai vu à Paris, Montpellier et même Perpignan, une ville de plus petite taille. Il est paradoxal de voir qu’un des thèmes forts de la dernière élection présidentielle française ait été l’identité nationale, et qu’à aucun moment il n’a été question de mesures visant à freiner l’anglicisation du paysage national. Soit les Français sont indifférents, soit ils se sentent à l’abri. Mais dans les deux cas, ils ont tort.

La francophonie en péril

Aujourd’hui, partout dans l’espace francophone mondial, le même constat : quand l’État n’intervient pas, la langue anglaise s’impose. Dans les rues de Ouagadougou, Dakar et Alger, l’anglais prend sa place. Parce que ça fait chic, branché, international.

La France néglige sa langue. Ce faisant, elle met en péril la planète francophone. Le capitaine semble avoir quitté le navire qu’il a lui-même construit et qui compte à son bord pas moins de 29 pays et 350 millions de passagers. Un Québécois ou un Africain francophone qui arrive à l’aéroport Charles-de-Gaulle verra des affiches publicitaires unilingues anglaises partout. Aéroport de Paris s’appelle maintenant Paris Aéroport et vous achèterez vos billets de TGV sur SNCF Connect. Les exemples semblables sont innombrables.

En février dernier, le président français a organisé à Brest, en Bretagne, The One Planet Summit for the Ocean. Sur la photo de famille, on voit les chefs d’État autour d’Emmanuel Macron, tous devant une affiche… unilingue anglaise ! Au Québec, le premier ministre qui fait ça signe son arrêt de mort politique. Pas en France. Avec ses résultats probants, le Québec est un modèle en matière de protection du français et possède la crédibilité nécessaire pour être un acteur clé sur la scène internationale. Le prochain premier ministre du Québec devrait utiliser tout son poids pour sensibiliser les pays francophones et les inciter à agir, à commencer par la France — acteur incontournable –, pour espérer un redressement. L’anglais est utile, ce fait est indéniable. Mais une langue, c’est comme une marque de commerce, si on n’en fait pas la promotion, elle disparaît. France : please, wake up !

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