Lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté à la fin de l’hiver 2020, les frontières se sont fermées et la fréquence des transports aériens a chuté de façon radicale. Mais aujourd’hui, avec la levée de la plupart des mesures sanitaires, les avions reprennent les airs de plus belle… et recommencent à réchauffer l’atmosphère.

Toutefois, un précédent pourrait secouer l’industrie de l’aviation. À la fin de mai, une coalition de groupes environnementaux a déposé une poursuite judiciaire contre KLM Royal Dutch Airlines sur la base d’informations frauduleuses liées aux compensations carbone. Les groupes affirment que les campagnes publicitaires de KLM donnent la fausse impression aux voyageurs que moyennant un coût supplémentaire, ils pourront « compenser » leurs émissions. La stratégie publicitaire de KLM constitue selon eux un cas flagrant d’écoblanchiment, et ce, à plusieurs niveaux.

Premièrement, une bonne partie du CO2 émis en vol peut rester dans l’atmosphère pendant plusieurs milliers d’années. En revanche, les solutions de « compensation », comme la plantation d’arbres et la captation du CO2, prennent du temps à agir et sont souvent temporaires. Deuxièmement, les entreprises s’approprient souvent des projets déjà existants, qui auraient été réalisés de toute manière. Nous avons alors affaire à l’équivalent d’une astuce comptable qui leur permet de s'enrichir tout en continuant de polluer.

Alors que nous risquons de dépasser le seuil d’un réchauffement de 1,5 °C d’ici cinq ans, l’écoblanchiment est une supercherie que nous entendons dénoncer partout où il sévit.

L’aviation est responsable d’environ 2 % des émissions de CO2 mondiales. Si on inclut la production et la distribution de kérosène, ce chiffre monte à 3 %. De surcroît, les avions émettent de la suie (qui noircit les banquises) et d’autres gaz délétères. Ils génèrent des traînées de condensation en grand nombre : ces cirrus artificiels finissent par se dissiper, mais entre-temps, ils emprisonnent la chaleur.

Au bout du compte, le transport aérien représente pas moins de 5 % à 6 % du réchauffement lié à l’ensemble des activités humaines.

Les compagnies aériennes, dont Air Canada, savent que les citoyens sont de plus en plus conscients·es qu’il faut arrêter ce dangereux réchauffement. Elles ont donc recours à toutes sortes de stratégies marketing pour nous faire croire que nous pouvons voler l’âme en paix. Le 22 avril dernier, par exemple, Air Canada a profité du Jour de la Terre pour annoncer une nouvelle mesure de son programme « Laissez moins ». Elle ajoutera donc du carburant d’aviation dit « durable » (CAD) dans les réservoirs de ses avions… pour quatre de ses vols (le communiqué passait évidemment sous silence le fait qu’Air Canada effectue environ 1500 vols par jour).

Malgré le fait que ce fameux CAD est essentiellement produit à partir de matières non fossiles, telles que l’huile végétale ou la graisse animale, sa production d’échelle industrielle est loin d’être « durable ». En effet, elle dépend tout de même fortement des combustibles fossiles, pour la production d'engrais artificiels notamment, et entraîne donc des émissions massives.

Le biodiesel de palmier, par exemple, peut générer deux fois plus d’émissions que les combustibles fossiles. Par conséquent, compte tenu de l'intensité des émissions des biocarburants et de la crise alimentaire actuelle, les cultures devraient être utilisées pour nourrir les gens et non alimenter les avions.

Pendant ce temps, l’industrie de l’aviation est en plein essor. De 2010 à 2019, les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de l’aviation mondiale ont augmenté de 3,4 % par année. Il est prévu que mondialement, le nombre de passagers aura triplé entre 2000 et 2050. Juste au Québec, les émissions des vols intérieurs ont augmenté de presque 25 % entre 2015 et 2019. Malgré cela, le gouvernement du Québec vient de lancer son plan de subvention du transport aérien pour diminuer les coûts des vols régionaux.

L’industrie de l’aviation ne fait que prétendre lutter contre la crise climatique. Le monde est à un tournant décisif. Nous n’avons plus le temps pour de fausses solutions partielles telles que les compensations carbone et les carburants « durables ». Il est temps de passer immédiatement à des actions réelles et de grande envergure. Cela signifie une réduction massive du nombre de vols.

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