Pourquoi les équipes canadiennes ne gagnent-elles jamais la coupe Stanley ?

Une équipe américaine remportera encore une fois la coupe Stanley cette année et le Canadien de Montréal demeure la dernière formation canadienne championne, il y a presque 30 ans.

Si toutes les équipes avaient les mêmes chances de remporter le championnat chaque année, la probabilité qu’une équipe canadienne ne gagne pas la coupe en 29 ans ne serait que de 0,7 %. La malchance ne peut être la seule explication de cette disette.

L’argent a longtemps été un facteur. Durant les années 90, les salaires des joueurs ont explosé et il n’existait pas de plafond salarial, de sorte que les équipes les plus riches accaparaient les meilleurs joueurs. Les formations dominantes de l’époque maintenaient des masses salariales inégalables pour les équipes canadiennes dont les finances étaient plombées par le taux de change désavantageux et par les suites d’une crise économique plus dure au Canada qu’aux États-Unis. Seuls les Maple Leafs de Toronto disposaient des ressources nécessaires pour rivaliser avec les clubs les plus riches.

Le plafond salarial mis en place à la suite du lock-out de 2004-2005 instaure une parité entre les équipes. Toutes les formations canadiennes sont maintenant en mesure de maintenir une masse salariale au niveau du plafond. L’argent n’est donc plus un facteur.

Certains avancent que les équipes canadiennes n’arrivent pas à attirer les meilleurs parce que les taxes sont plus élevées au Canada. Cet argument ne tient pas la route.

D’abord, les équipes canadiennes parviennent à recruter les meilleurs joueurs : Connor McDavid, le meilleur joueur de la ligue, joue à Edmonton, et Toronto a attiré John Tavares, un joueur autonome particulièrement convoité. Ensuite, Allan Walsh, un agent de joueurs influent, a révélé que ses poulains pouvaient recourir à des dispositifs fiscaux comme les Conventions de retraite pour être moins imposés qu’aux États-Unis.

Gagner à court terme

Quelles sont donc les causes de cette traversée du désert ? À mon avis, et ce n’est qu’une théorie, les équipes canadiennes ont tendance à chercher à gagner à court terme davantage que les équipes américaines, ce qui nuit à leurs chances de développer un noyau de joueurs compétitif.

Il semble y avoir deux manières complémentaires de bâtir une équipe championne : maximiser la valeur des actifs de l’équipe en échangeant de bons joueurs avant qu’ils ne deviennent autonomes et terminer en fond de classement pour repêcher de futures vedettes autrement inaccessibles. Ces deux stratégies nécessitent de prendre un pas de recul à court terme en vue d’améliorer l’équipe à long terme. Il s’agit de conditions nécessaires, mais pas suffisantes : terminer au fond du classement ne garantit pas de gagner la Coupe, mais (presque) toutes les équipes dominantes des dernières années l’ont fait.

Contrairement aux équipes américaines, les équipes canadiennes évoluent dans des marchés où le hockey est le sport le plus important. Les équipes canadiennes sont populaires si elles demeurent dans la course aux séries.

On observe seulement une désaffection des partisans quand leur équipe patauge au fond du classement. Le Canadien, moribond, remplissait rarement le Centre Bell cet hiver, mais l’amphithéâtre est plein pour acclamer une équipe moyenne qui demeure dans la course aux séries.

Ainsi, les équipes canadiennes finissent généralement en milieu de classement et peuvent donc rarement repêcher parmi les trois premiers. Pour éviter les foudres des partisans et des médias, elles rechignent à échanger leurs meilleurs joueurs au bon moment. Par exemple, pour gagner à court terme, l’ancien DG du Canadien Marc Bergevin, a perdu Tatar et Danault sur le marché des joueurs autonomes et offert de monstrueux contrats à Petry et surtout à Gallagher, annihilant leur valeur marchande. Chacun de ces joueurs aurait pu rapporter des actifs permettant de bâtir une équipe plus compétitive à long terme. A contrario, lorsque Bergevin a été forcé d’échanger Pacioretty à son apogée, il a obtenu Suzuki, pierre angulaire de la reconstruction de l’équipe.

Cette stratégie mène inlassablement à un effondrement, forçant l’équipe à reconstruire, ce que vit le Canadien en ce moment. Or, parce que la pression de gagner à court terme est intenable, les équipes canadiennes n’achèvent jamais leur reconstruction. Elles vont rapidement chercher à obtenir du renfort, ce qui les incite à se débarrasser de jeunes joueurs prometteurs pour obtenir des vétérans, au risque de déséquilibrer leur structure salariale. L’embauche de John Tavares à Toronto est un exemple patent.

A contrario, bâtir un club dominant est la seule manière de se faire remarquer dans un marché américain où l’équipe de hockey est bien moins populaire que les autres équipes sportives. Les équipes américaines sont donc mieux en mesure d’accepter de faire les sacrifices nécessaires pour créer des équipes championnes à long terme.

Au moins, l’état-major du Canadien et les partisans semblent enfin avoir compris que le club ne pourra prétendre sérieusement aux grands honneurs sans penser à long terme, quitte à faire des sacrifices à court terme.

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