Je ne suis pas du genre alarmiste, mais quand mon amie m’a raconté ce qui était arrivé à sa fille, j’en ai eu des frissons. J’ai tout de suite pensé à ma Biquette, à ses copines, à ma nièce, à ma voisine…

Elles auraient pu, elles aussi, être les victimes d’une histoire semblable dont les conséquences sont loin d’être anodines.

Cette soirée-là, fin avril, quatre ambulances ont été appelées juste dans un petit périmètre entre le boulevard Saint-Laurent et l’avenue Duluth. Quatre jeunes femmes étaient sorties pour s’amuser, danser en boîte et en sont reparties, bien malgré elles, droguées au GHB, communément appelé la drogue du viol ou du vol.

C’était la première fois que S. sortait dans un bar de Montréal. Avec sa majorité de 18 ans fraîchement acquise, il y avait de la frénésie dans l’air, du fun et des hormones dans le tapis ! Tout ce qu’il y a de plus normal et sain, surtout après deux ans de pandémie où l’envie de liberté se fait ressentir partout. N’avons-nous pas tous l’impression d’avoir deux ans à rattraper ? C’est encore plus vrai chez les ados et jeunes adultes pour qui cette période charnière et exploratoire est nécessaire à la construction de soi et à l’indépendance.

Bref, S. et son amie sont arrivées les premières et les cinq autres allaient suivre rapidement. En les attendant, elles sont allées commander un verre au bar.

S. s’est souvenue des sages paroles de sa mère et de l’importance de toujours garder son verre dans ses mains. Sait-on jamais…

Un jeune homme s’est approché d’elle et a proposé de lui offrir une consommation. Elle a décliné gentiment, mais il insista lourdement. Une fois, deux fois, et à la troisième fois, elle lui fit comprendre fermement qu’elle était capable de se payer un drink, merci bonsoir !

C’est à ce moment-là que la bande des ami. es de S. est arrivée. Elle a détourné le regard seulement quelques secondes afin de les saluer, son verre toujours entre ses mains. Elle s’est levée pour aller sur la piste de danse. Quinze minutes plus tard, elle s’est effondrée sous le regard paniqué de ses ami. es. S. avait bu deux, trois gorgées de son verre, tout au plus.

Mais comment a-t-elle pu être intoxiquée à son insu alors qu’elle n’avait pas lâché son verre des mains ?

« Ils sont très habiles », ont dit les policiers à la mère de la jeune fille.

Sous une manche, ils mettent une petite fiole retenue au poignet par un élastique. Puis, d’un mouvement de bras subtil le liquide tombe au dessus du verre. Quelques gouttes suffisent à intoxiquer la victime.

Ni vu ni connu. En général, celui qui met la drogue à l’insu de la personne part rapidement. D’autres complices arrivent quelques minutes plus tard, se font passer pour de bons amis/samaritains et embarquent la pauvre fille qui ne se souviendra de rien. Black-out. On imagine le reste…

Parfois, l’hypothèse de la connivence du « staff » avec des gangs de rue n’est pas exclue. Des cas semblables de jeunes femmes droguées au GHB ou à la kétamine se produisent aussi bien dans des bars que dans des fêtes privées, ce qui est extrêmement inquiétant. Si les filles sont plus souvent visées, les garçons ne sont pas épargnés.

Le GHB est un liquide inodore, incolore dont l’effet est rapide et qui ne reste que très peu de temps dans l’organisme. Six heures dans le sang et de dix à douze heures dans l’urine. D’où l’importance de se rendre aux urgences rapidement pour un prélèvement.

Encore faut-il que les hôpitaux proposent ce genre de test ou acceptent de le faire, ce qui n’est pas toujours le cas. Sans compter les fois où le personnel médical minimise la situation : « Encore une qui ne sait pas boire ! »

Sans preuve médicale, il est impossible de porter plainte et le recours est quasi nul, pas d’enquête. Il y a une sorte d’impunité de la part de ces lâches, sans foi ni loi, qui se fichent éperdument des répercussions de leurs actes.

En tant que maman de deux ados, je suis bouleversée et inquiète. Cette situation si sournoise me fait hurler et en dehors des conseils qu’on peut donner, on n’est sûr de rien.

En lisant de façon exhaustive sur le sujet, en posant plusieurs questions autour de moi, je constate que beaucoup de jeunes connaissent souvent une personne à qui c’est arrivé. Devrait-on rappeler que de droguer quelqu’un à son insu est un acte criminel ?

Comment se fait-il qu’il n’y ait pas davantage de prévention faite dans les écoles, cégeps et universités ? Ne faudrait-il pas conscientiser nos enfants et les éduquer à ne pas minimiser un tel geste ?

Les autorités devraient prendre l’affaire très au sérieux et accorder à ce phénomène de société toute l’importance qu’il mérite.

Assistons-nous à l’émergence d’un nouveau fléau à Montréal ? Si c’est le cas, il est grand temps d’agir !

À quelques jours du Grand Prix, week-end de festivités élevées, des bals de finissants et soirées d’après-bal, des fêtes d’été, pouvons-nous offrir un peu de quiétude et d’insouciance à notre jeunesse qui en a tellement besoin ?

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