Imaginez un virus qui se propage au rythme d’une personne par heure au Canada — une infection transmise par le sang qui peut entraîner un cancer, la défaillance d’un organe ou la mort. Imaginez que cette infection virale pourrait coûter à notre système de santé 260 millions de dollars par an, d’ici 10 ans.

Imaginez maintenant qu’on puisse éliminer cette infection virale sans mesures de distanciation, sans masques, sans ordonnance de télétravail et sans annulation d’évènements. Imaginez que nous disposions déjà des stratégies et des médicaments pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir cette infection. Imaginez qu’une coalition d’experts ait déjà conçu un plan d’action pour éliminer ce virus en tant que menace pour la santé publique au Canada.

En fait, vous n’avez rien à imaginer, car c’est la réalité de l’hépatite C.

Tant pour notre santé qu’en ce qui concerne le coût pour le système de santé, l’hépatite C est l’une des infections virales au pire fardeau qui sévissent au pays.

En revanche, elle reçoit étonnamment peu d’attention dans les priorités des politiques publiques. Son élimination est pourtant l’une des stratégies de santé publique les plus simples et les plus efficientes qu’on puisse imaginer.

La prévention

Contrairement aux hépatites A et B, il n’y a encore aucun vaccin contre l’hépatite C, or il existe des stratégies éprouvées pour prévenir sa transmission. Au Canada, l’une des principales voies de transmission de l’hépatite C est le partage de matériel de consommation de drogue. Des études ont montré que la distribution de matériel neuf aux personnes qui utilisent des drogues peut en réduire le partage afin que le virus ne puisse être transmis.

Les programmes de réduction des méfaits, qui font exactement cela, se heurtent malheureusement à une résistance, bien qu’ils préviennent l’hépatite C, le VIH et les surdoses. Les obstacles en matière de réglementation et l’opposition politique accaparent le temps des intervenants de première ligne qui pourraient fournir des services pouvant sauver des vies. Avec le soutien politique et le financement requis, ces programmes pourraient être la pierre angulaire de nos efforts pour éliminer l’hépatite C, en particulier dans les communautés moins susceptibles d’avoir accès aux services de santé généraux.

Le diagnostic

Fait intéressant, une personne peut vivre parfois 20 ans avec l’hépatite C sans présenter ni signes ni symptômes. C’est à double tranchant, car elle pourrait ne pas être dépistée avant qu’il soit trop tard. L’exposition potentielle remontant à longtemps, la personne ou son prestataire de soins ne constatera pas nécessairement un risque ou une raison d’effectuer un dépistage.

C’est pourquoi les spécialistes du foie recommandent que toutes les personnes nées entre 1945 et 1975 — l’un des groupes d’âge où l’hépatite C est la plus répandue au Canada — soient dépistées pour l’hépatite C au moins une fois.

Les médecins recommandent également d’offrir le dépistage dans d’autres communautés pour tous les âges, notamment les immigrants et les personnes nouvellement venues de pays où l’hépatite C est courante, les Autochtones, les personnes qui s’injectent des drogues, les hommes gais et bisexuels ainsi que les personnes ayant une expérience du système carcéral. Les organismes communautaires qui travaillent déjà avec ces populations sont bien placés pour les sensibiliser à la nécessité du dépistage de l’hépatite C, en faisant preuve de compétence culturelle et en tenant compte des circonstances particulières qui engendrent un risque accru dans ces communautés.

Le traitement et la guérison

L’hépatite C est la première infection virale chronique pour laquelle il existe un remède.

Après huit à douze semaines de traitement, la présente génération d’antiviraux à action directe (AAD) guérit plus de 95 % des cas. Pourtant, sept ans après l’ajout des premiers AAD aux listes des médicaments des régimes publics au Canada, l’amorce de ce traitement est au ralenti.

La simplification du processus de traitement a été identifiée comme stratégie clé pour aider les gens à obtenir la guérison. Plutôt que d’attendre un rendez-vous chez l’hépatologue, les prestataires de soins primaires pourraient être formés et soutenus pour prescrire un traitement et suivre son évolution. On peut également réduire le temps d’attente pour le traitement en éliminant les tests facultatifs, en tirant parti des services de télésanté, en confiant le traitement à des infirmières et en intégrant des cliniques ambulantes pour l’hépatite C dans les services de santé offerts aux communautés les plus touchées.

L’hépatite C est éliminée… si vous le voulez

En investissant dans les services de santé communautaires, en élargissant l’accès au dépistage et en simplifiant le processus du diagnostic vers le traitement, imaginez pour un peu que nous puissions éliminer cette infection virale. Si on tient compte de tout ce qui a été mis en œuvre pour contrôler la COVID-19 ces deux dernières années, cela semble relativement simple et facile à réaliser.

Qu’est-ce qui nous arrête ?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion