Le 17 juin 2022 marque le 50e anniversaire d’un évènement déterminant dans l’histoire politique américaine. Le 17 juin 1972, cinq cambrioleurs étaient arrêtés dans les bureaux centraux du Parti démocrate, situés dans l’édifice du Watergate, à Washington. Ce fut l’étincelle menant à l’enquête sur le scandale du Watergate et qui s’est terminée avec la démission du président Richard Nixon en août 1974. À ce jour, il demeure le seul président de l’histoire américaine dont la présidence s’est conclue par une démission.

Le 10 juin dernier, les audiences publiques d’un comité spécial de la Chambre des représentants du Congrès ont débuté. Ce comité a comme mandat de faire enquête sur les évènements reliés à l’émeute du 6 janvier 2021 survenue au Capitole, à Washington, lors de la certification par le Sénat américain de l’élection de Joe Biden à la présidence le 3 novembre 2020.

On se souvient des assauts violents de plusieurs manifestants et supporteurs du président sortant, Donald Trump, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Capitole. Depuis, on fait communément référence à ces évènements comme à une « insurrection contre la démocratie américaine ».

Après 11 mois d’enquête et plus de 1000 entrevues, le comité spécial dirigé par le représentant démocrate Bennie Thompson, du Mississippi, a choisi de faire état de ses travaux lors de la première session publique récemment diffusée sur tous les grands réseaux de la télévision américaine (à l’exception de Fox News).

Les audiences contre Trump

Depuis la première session du comité sur les évènements du 6 janvier, les membres ont fait état de l’ampleur de la violence survenue ce jour-là au Capitole. Ils ont étalé les gestes et les paroles de Donald Trump durant cette journée et les jours qui ont précédé. De plus, ils ont évoqué l’hypothèse d’un complot orchestré pour empêcher la transition du pouvoir de Trump à Biden, ce qui pourrait éventuellement avoir des conséquences devant les tribunaux.

Certains témoins, dont l’ancien procureur général William Barr, ont affirmé sous serment qu’ils n’acceptaient pas la théorie de Trump selon laquelle il se serait fait voler l’élection. M. Barr a déclaré que c’était de la « foutaise sans preuve réelle ». Cette opinion semble être partagée par la fille aînée de Donald Trump, Ivanka, qui s’est exprimée dans une vidéo à titre de témoin.

Malgré cela, Trump a maintenu sa position et a fait des gestes dans son entourage pour soutenir l’hypothèse d’un complot organisé par des démocrates et des activistes de la gauche américaine pour lui ravir le pouvoir.

Il est reconnu aujourd’hui que le vice-président Mike Pence a agi correctement en certifiant la victoire de Joe Biden. Aucune cause devant un tribunal ou enquête concernant des allégations d’irrégularités n’a soutenu la thèse de Trump. On parle maintenant de cette thèse comme du « Grand Mensonge ».

Depuis, le Parti républicain reste généralement fidèle à Trump et le comité spécial de la Chambre n’a pas eu l’aval officiel de ce parti pour mener l’enquête. Toutefois, deux républicains, Liz Cheney et Adam Kinzinger, prennent part à ce comité formé de neuf membres. Cheney et Kinzinger adhérent au constat que le président Biden fut élu légitimement.

Le véritable enjeu de cette démarche sera de savoir si Donald Trump et certains membres de son entourage ont agi de façon criminelle en violant la Constitution américaine. Le Congrès ne peut pas porter de telles accusations, mais si les preuves sont suffisamment solides, le département de la Justice pourrait y donner suite devant les tribunaux.

Retour sur le Watergate

Il est clair que les audiences publiques actuelles ont cours dans un climat de grande polarisation politique. Déjà, les supporteurs de Trump et le leadership républicain traitent l’ancien président comme la victime d’une lutte partisane conduite par les démocrates visant à faire oublier le plus haut taux d’inflation depuis 40 ans aux États-Unis.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Richard Nixon fait ses adieux au personnel de la Maison-Blanche, le 9 août 1974.

Quant au Watergate, on doit se rappeler que la polarisation politique à l’époque était moins forte. Dès le printemps de 1973, alors que le président Nixon venait de gagner sa réélection de façon décisive en novembre 1972, le Sénat américain commençait l’enquête le concernant directement ainsi que son entourage.

Lors des audiences du Watergate, en 1973, le leader républicain d’alors, Howard Baker, avait décrit la mission du comité du Sénat comme « la recherche pour la vérité » en posant deux questions : « Qu’est-ce que le président savait ? » et « à partir de quand l’a-t-il su ? ». Ultimement, Nixon était coupable et il fut l’objet d’un vote par le comité de la Chambre des représentants en vue de procéder à sa destitution (impeachment).

Aujourd’hui, Trump n’est plus au pouvoir, mais tout indique qu’il souhaite y revenir en 2024. Depuis les jours du Watergate, le suffixe « gate » est souvent utilisé pour qualifier les scandales politiques. Il reste donc à voir si les plans de Donald Trump pour 2024 seront déroutés, comme ce fut le cas pour la présidence de Richard Nixon en 1974, par ce qui est en voie de devenir le « Trumpgate ».

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