Je ne vous apprendrai rien en affirmant que la pandémie et le virage massif au télétravail ont transformé en profondeur de nombreux aspects de notre quotidien. Après deux ans, qu’en est-il de la frontière entre la vie personnelle et professionnelle pour les travailleurs et les employeurs ?

Nous sommes à même de constater que des réflexes d’hyperconnectivité acquis demeurent. Nous sommes plus nombreux à apporter l’ordinateur à la maison et à nous connecter après les heures « traditionnelles » de travail et cela ne fait qu’accentuer l’épuisement généralisé des employé. e. s. Une récente étude de Robert Half menée auprès de 500 travailleurs canadiens indiquait que plus de 60 % des employés travaillent plus de 40 heures par semaine, et que 38 % d’entre eux se sentaient encore plus éreintés qu’à pareil moment, l’an dernier.

De son côté, la Jeune Chambre de commerce de Montréal constate, après avoir consulté son réseau, qu’une majorité de travailleurs ignorent si l’organisation qui les emploie possède ou non une politique de droit à la déconnexion.

Souvent informelles, ces règles peuvent avoir des répercussions importantes sur le bien-être des employé. e. s, dans un contexte où une grande proportion des travailleurs se disent épuisés professionnellement.

Alors que nous constatons ce phénomène et ses répercussions sur la santé mentale des professionnels, nous réalisons aussi qu’il sera complexe de proposer des solutions qui conviendront à tous et à toutes. Force est de constater que la pandémie, malgré ses innombrables conséquences négatives, a aussi engendré des effets positifs pour plusieurs d’entre nous : horaires plus malléables, télétravail, gain de temps, meilleure conciliation travail-famille, etc. Ces nouvelles réalités font maintenant partie de nos vies et plusieurs entreprises les ont déjà adoptées de manière permanente ; elles sont vraisemblablement là pour de bon.

Or, certaines juridictions et organisations de partout dans le monde ont instauré ou proposé des politiques en matière de droit à la déconnexion qui pourraient limiter cette autonomie nouvellement acquise et appréciée par plusieurs employés. Malheureusement, au Québec, nous ne sommes pas encore là ; nous constatons un retard.

Politique de droit à la déconnexion

Les attentes de nombreux employeurs, tout comme les obligations et les droits des employés en matière de déconnexion sont souvent méconnus et nous devons rapidement clarifier la situation afin de limiter les effets négatifs de ce flou, qui n’est à l’avantage de personne. La Jeune Chambre de commerce de Montréal encourage fortement les organisations à se doter d’une politique de droit à la déconnexion formelle, qui précise notamment les heures de déconnexion et qui définit les exceptions. Nous considérons aussi que les dirigeants ont un important rôle à jouer pour s’assurer que le droit à la déconnexion soit respecté, notamment en prêchant par l’exemple et en faisant la promotion active des normes à respecter.

Le gouvernement a également un rôle incontournable à jouer. Il serait probablement trop restrictif (et possiblement contre-productif) d’imposer, à titre d’exemple, des heures fixes à toutes les organisations. Nous croyons néanmoins que l’obligation de se doter d’une politique contribuerait à clarifier les attentes des différents employeurs et à instaurer une équité entre les employés.

Il est nécessaire que l’Assemblée nationale travaille à mieux encadrer le droit à la déconnexion, tout en s’assurant que les solutions s’adaptent aux réalités individuelles et sectorielles. En Ontario, il est obligatoire depuis le 2 juin que les entreprises se dotent d’une politique de droit à la déconnexion. Il est temps pour la classe politique québécoise de s’y pencher à nouveau. En cette période préélectorale, nous serons très attentifs aux engagements des formations politiques.

Nous entrons dans une nouvelle ère en ce qui concerne l’organisation du travail. Il est nécessaire de clarifier les règles du jeu.

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