Les enjeux sociétaux deviennent aigus, caustiques, en période électorale. Cela n’instaure pas un climat propre à des débats productifs, à un argumentaire constructif. Pourtant, nos candidats politiques démontreraient leur pertinence en utilisant un autre ton. De toute évidence, l’atmosphère de crise est souvent inventée, générée, artificielle, occultant l’amoncellement de problématiques non résolues mandat après mandat.

Discutons immigration : crise ou menace? Rappelons que le Canada et le Québec ont acquis leur importance internationale par l’apport de vagues successives d’immigration, tantôt irlandaise, tantôt vietnamienne, tantôt haïtienne, etc. Chacune a teinté notre société qui, je le crois, est devenue meilleure en s’adaptant et adoptant de nouvelles façons d’être, en faisant évoluer valeurs et mentalités. L’immigration est un fait s’accompagnant de défis positifs et adverses, mais principalement d’opportunités que ne constituent assurément pas une crise.

Par contre, le discours ambiant actuel donne l’impression tout à fait partiale que chaque immigrant ou réfugié est un problème, une charge.

Pourtant, il est difficile de prétendre que l’intégration est menaçante pour la majorité qui accueille, surtout quand perdurent des attitudes perpétuant du racisme systémique ou restreignant une participation active et équitable dans la société. Sur qui pèse ou s’exerce vraiment le risque? C’est une évidence qui ne mérite pas les épithètes utilisées pour faire peur à la majorité votante.

C’est notamment vrai en matière de soins de santé qui demeurent principalement axés sur les besoins de la majorité, négligeant les maladies dont souffrent des immigrants ou leurs descendants. Et ce bien que des Québécois racisés soient membres de la population depuis des générations. La menace vient de l’enflure verbale qui suscite des affirmations douloureuses, malheureuses. L’image se formant dans les esprits suggère qu’on en fait assez pour « eux ». Voilà un vocabulaire inapproprié.

Le système de santé présente déjà la désolante impression de n’en faire jamais assez pour personne. Notamment, l’insuffisance des soins offerts à la population immigrante ou descendante de cette immigration dessine une iniquité pointant vers une ignorance, une indifférence que le discours de crise fomente et conforte, pendant que les autorités proclament sans conviction des principes d'EDI (Équité, Diversité, Inclusion).

À l’approche d’élections, les politiciens veulent impressionner, donner LA réponse et représenter LA vérité, démontrant leur désir d’instiller des réactions viscérales. Erreur. Ce devrait être la raison qui guide notre choix au moment du vote ou d’élaborer des politiques publiques.

Malheureusement, le clientélisme fait en sorte que le vote est de plus en plus individualiste. Cependant, les citoyens sont majoritairement dotés d’un sens commun respectant l’autre, ne voulant pas imposer leur bien-être aux dépens d’autrui. Il m’apparaît donc important que le discours change, que l’on convienne que le débat dit d’idées ne pèse pas sur ceux qui sont arrivés plus ou moins récemment et qui sont trop facilement identifiés, trop souvent ostracisés.

Il me semble aussi clair en observant le système de santé évoluer depuis 30 ans que la quantité de soins ne sauraient être équivalente sans l’apport du personnel appartenant aux populations issues de l’immigration. Je crois que la meilleure façon d’inciter les immigrants à s’investir dans le respect de valeurs communes et pratiques collectives comme la langue d’usage est de chercher à favoriser chez eux le mimétisme (vouloir ressembler à l’autre) et l’émulation (aspirer à mieux) en leur démontrant une réelle appréciation, et pas seulement en temps de COVID-19.

Il appartient à chacun de pouvoir et vouloir s’adapter à un monde en évolution pour devenir des agents positifs de l’évolution de notre société.

Sans jamais prêcher de grands principes, mes parents m’ont démontré par l’exemple qu’ils étaient plus fiers de recevoir les gens que d’être reçus. Je crois que leur enseignement déborde le simple contexte de réunions familiales. C’est une vraie valeur québécoise, du moins, l’était.

J’ai déjà dans La Presse cité Coelho : « Lorsqu’une chose évolue, tout ce qui est autour évolue de même. » Chaque jour nous donne l’occasion d’apprendre ou de rester figés dans le passé. Chaque moment nous procure l’occasion de revoir nos us en visant à nous améliorer plutôt qu’en perpétuant des habitudes qui n’ont pas de valeur dans l'absolu.

Je doute que de politiser l’immigration ait le moindre effet positif. Ce discours érige des frontières, physiques et intellectuelles, qui empêcheront d’intégrer une immigration qui s’accentuera invariablement. Parce que les guerres existent, s’enveniment. Parce que les changements climatiques obligent certains à s’exiler de leur patrie. Parce que la mixité des nations demeure la seule façon de réduire les risques associés au totalitarisme et à l’absolutisme de dirigeants bien-pensants.

Récemment, le ministre Lionel Carmant a annoncé l’imposition d’un cours pour les parents en processus d’adoption internationale. À l’instar de ce programme, peut-être y a-t-il lieu de proposer aux Québécois de développer des compétences pour accueillir et intégrer, évitant le climat de crise et de menace? En ce moment, les apprentissages requis ne sont que pour les immigrants eux-mêmes. Charité bien ordonnée commence par soi-même.

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