À moins d’un cataclysme, les Ontariens se rendront aux urnes dans une semaine et reporteront au pouvoir le gouvernement de Doug Ford. Son futur triomphe électoral peut s’expliquer à la fois par le désintéressement des Ontariens vis-à-vis de la chose politique et par le fait que les progressistes-conservateurs ont défini la question centrale du vote. Par ailleurs, le virage populiste de Ford et la division de la gauche dans la province viennent consolider sa position de favori.

Le désintéressement de la chose politique

L’hiver a été politiquement clivant en Ontario avec les occupations des centres-villes d’Ottawa et de Toronto, ainsi que celle du pont Ambassadeur à Windsor en raison des mesures sanitaires liées à la COVID-19. Que deux des quatre chefs des principaux partis politiques aient contracté la COVID-19 la semaine dernière nous rappelle que cette maladie est encore parmi nous. Toutefois, les électeurs, tout comme les politiciens, prétendent que ce n’est pas le cas, car ils souhaitent passer à autre chose.

Il n’est donc pas surprenant que la campagne n’ait pas suscité l’intérêt des électeurs malgré l’importance des enjeux. On a l’impression que les Ontariens en ont marre de parler de politique.

Même le fait que Doug Ford tienne plusieurs évènements de campagne à huis clos et que ses candidats décident de ne pas participer à des débats politiques locaux fait à peine sourciller l’électorat. C’est une excellente nouvelle pour le premier ministre, car l’histoire démontre qu’un faible taux de participation au scrutin avantage le plus souvent le gouvernement sortant.

La définition de la question centrale du vote

Les adversaires de Ford auraient aimé que ces élections se transforment en référendum portant sur Ford lui-même. Malgré un premier mandat tumultueux pour Ford, surtout avant que la pandémie ne sévisse, les partis de l’opposition ne semblent pas avoir réussi à attaquer efficacement sa crédibilité. Ford demeure le chef politique le plus populaire dans cette campagne électorale.

Bien avant que les élections soient déclenchées, Ford a réussi à cerner l’enjeu politique qui préoccupait le plus les Ontariens, soit l’augmentation du coût de la vie.

Il a vite mis en place des mesures et fait des promesses qui mettraient plus d’argent dans le portefeuille des gens. On pense ici au remboursement des frais de renouvellement des plaques d’immatriculation, l’abolition de péages sur les autoroutes et la réduction temporaire du prix de l’essence.

Les gestes faits par Ford ne sont pas forcément la meilleure façon de s’attaquer à l’inflation, mais en visant les automobilistes, le Parti progressiste-conservateur s’est acheté le vote de la grande banlieue de Toronto, essentiel à sa victoire. Le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral ont copié Ford et ont aussi promis de multiples rabais pour les Ontariens. Mais il était trop tard, le choix des électeurs a été fait dès le début de la campagne !

Le virage populiste de Ford

Le succès politique de Ford s’explique de plus par son virage populiste. Alors qu’en 2018 il avait été élu sur une plateforme de droite nettement plus idéologique, mettant l’accent sur la réduction de la taille de l’État et des impôts, le premier ministre accepte maintenant les déficits budgétaires. Il donne simplement aux Ontariens ce qu’ils demandent et ça fonctionne !

Se positionnant comme près du peuple, Ford courtise le vote des ouvriers, qui est traditionnellement acquis aux néo-démocrates, en promettant la création de nouveaux emplois bien rémunérés. Il a même pu récolter l’appui de plusieurs syndicats du domaine de la construction. Cette stratégie gagnante, délaissée par son parti depuis l’époque de Bill Davis durant les années 1970, peut faire la différence dans certaines circonscriptions où la lutte s’annonce chaude entre progressistes-conservateurs et néo-démocrates.

La division de la gauche ontarienne

Enfin, les progressistes-conservateurs ont pu profiter de la division de la gauche ontarienne durant la campagne électorale. Ni le NPD d’Andrea Horwarth ni le Parti libéral de Steven Del Duca n’a su mobiliser le vote anti-Ford, bien que celui-ci soit non négligeable.

Avec ses positions plus idéologiques de gauche, Horwath n’a pas réussi à conserver le vote de ceux qui avaient délaissé le Parti libéral en 2018 pour le NDP en raison de l’impopularité du gouvernement de Kathleen Wynne. Ayant accédé au leadership libéral au début de la pandémie alors que tous les projecteurs étaient braqués sur le premier ministre Ford, Del Duca a quant à lui peiné à se faire connaître des Ontariens. En se divisant le vote, les partis de l’opposition laissent les progressistes-conservateurs se faufiler en tête.

Pire encore, le NDP et le Parti libéral se sont attaqués férocement entre eux. De fait, ils savaient que les dés étaient jetés en faveur des progressistes-conservateurs alors ils ont passé les dernières semaines de la campagne à se battre pour le statut d’opposition officielle à Queen’s Park. Il est encore trop tôt pour dire qui des néo-démocrates ou des libéraux arrivera en deuxième place. Toutefois, une chose est sûre : il y aura beaucoup de pression pour que le chef qui arrivera en troisième position le 2 juin donne sa démission.

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