Le 16 novembre 1976, alors que j’étais dans ma dernière année de droit à McGill, je me suis réveillé en réalisant que le Québec que je connaissais venait de changer pour toujours.

Alors que mes camarades de classe et amis, ma famille (établie au Québec de longue date) et de nombreux piliers de ma communauté étaient saisis de peur et qu’ils planifiaient leur départ du Québec, j’ai choisi un chemin différent ce jour-là. J’ai invité des amis et des camarades de classe à participer à une séance de remue-méninges.

Trois jours plus tard, l’embryon d’un organisme qui est devenu Participation Québec était formé. La mission de Participation Québec était en deux étapes : rassembler les anglophones qui voulaient que le Québec continue d’être leur chez-soi ; et deuxièmement, communiquer à la majorité francophone qu’il y avait bel et bien des anglophones prêts à travailler avec eux pour bâtir une société plus juste.

Participation Québec a organisé de nombreux évènements importants au cours des deux années suivantes, notamment l’accueil du premier évènement public au cours duquel Camille Laurin s’est adressé à la communauté anglophone. De plus, il y a eu des rencontres privées avec Claude Ryan du Devoir et des rencontres publiques avec des étudiants francophones dont une en présence de Gérald Godin.

Un Québec anglophone sans caricature

Notre message était qu’il y avait un Québec anglophone différent des caricatures constamment attaquées par les nationalistes québécois et que cette minorité était prête à apprendre et à travailler en français. La communauté anglophone avait un rôle constructif à jouer dans la construction d’un Québec plus démocratique, un Québec qui voulait se voir comme l’héritier des grandes valeurs de « liberté, égalité et fraternité ».

Au cours des 45 dernières années, il y a eu une transformation radicale de la dynamique socioculturelle et économique du Québec. En plus d’un changement historique dans le rôle des francophones aux plus hauts échelons de l’économie québécoise et une augmentation énorme des capacités françaises des anglophones du Québec, le Québec est devenu un centre d’innovation dans les nouveaux médias.

Le projet de la loi 96 ne reflète pas du tout la réalité actuelle du Québec et va contre les valeurs fondamentales occidentales qui sont partagées par la grande majorité des Québécois francophones et anglophones.

Comme supporteur des valeurs démocratiques et avocat, je crois que c’est inacceptable que l’Office québécois de la langue française ait un droit de perquisition des données privées sans aucun contrôle judiciaire. Il faut se demander pourquoi un gouvernement qui prétend promouvoir les droits des francophones devrait éliminer l’accès aux chartes québécoise et canadienne des droits qui ont longtemps fait la fierté des défenseurs des droits de la personne au Québec.

Il m’étonne aussi que si le gouvernement craint que de jeunes francophones passent beaucoup de leurs temps sur l’internet en écoutant des programmes anglais, ça devienne la faute de la communauté anglophone au Québec.

Favoriser le vivre-ensemble au lieu de la division

Le Québec a énormément changé au cours des 45 dernières années ;70 % de la communauté est devenue bilingue. Les vieux mythes des vendeuses unilingues chez Eaton sont dépassés, mais semblent être encore ancrés dans le cerveau des dirigeants politiques actuels. La partie la plus triste de ce projet de loi nationaliste est qu’il va apporter de l’embarras et un retranchement économique.

Quand je repense à ce que Participation Québec a tenté d’accomplir il y a 45 ans, je retiens un fort sentiment de fierté. Nous avons pu mettre de l’avant un programme qui favorise le vivre-ensemble et qui a depuis été adopté par la grande majorité des anglophones dans toutes les régions du Québec.

Ce sentiment est réciproque au quotidien par des millions de francophones québécois. Le programme politique électoraliste du gouvernement actuel engendre une division dangereuse. L’injustice imposée à notre communauté minoritaire sera jugée par le verdict de l’histoire.

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