Depuis quelques semaines, la question du système d’éducation québécois est revenue au centre du radar médiatique.

La littérature scientifique a largement documenté la dynamique clientéliste régissant notre système d’éducation. Les écoles privées sélectionnent leur clientèle sur la base de leurs résultats scolaires ou en excluant, par la force des choses, les familles ne pouvant se permettre les droits de scolarité. En contrepartie, les écoles publiques tentent de les concurrencer en multipliant les programmes particuliers sélectifs.

Résultat : un système d’éducation à trois vitesses où les plus favorisés bénéficient des meilleures conditions d’apprentissage, au détriment des élèves issus de milieux défavorisés ou présentant des difficultés d’apprentissage. Ces derniers sont donc surreprésentés dans les classes ordinaires, ce qui accentue ensuite le contournement de celles-ci par les enseignants et les familles pouvant se le permettre.

Pour remédier à ce problème structurel d’iniquité, le collectif École ensemble a proposé un nouveau modèle dans son Plan pour un réseau scolaire commun. Nous avons voulu chiffrer l’impact budgétaire du Plan.

Le Plan prévoit que les écoles privées actuelles auraient le choix entre deux statuts. Si elles décident de devenir des écoles privées conventionnées, elles ne pourront plus sélectionner leurs élèves ni leur facturer des frais. Elles seront subventionnées comme les écoles publiques. On reconnaît ici le modèle des écoles privées finlandaises en vigueur depuis les années 1970. Si, en revanche, elles choisissent de devenir des écoles privées non conventionnées, elles pourront facturer des frais et choisir leurs élèves, mais cela se fera sans un seul dollar des contribuables. On reconnaît ici le modèle ontarien.

La fin du financement public pour les écoles privées non conventionnées changerait de façon significative les montants des droits de scolarité. Moins de familles québécoises y enverraient leurs enfants à la suite de la hausse des droits de scolarité.

Cette diminution de la demande constitue le point de départ de nos calculs pour déterminer l’impact budgétaire (le coût ou le bénéfice additionnel) du Plan. Pour estimer combien d’élèves québécois fréquenteraient des écoles privées non conventionnées, nous avons choisi d’utiliser pour cibles les chiffres de l’Ontario, société comparable à la nôtre où, on l’a dit, l’école privée n’est pas subventionnée. En 2018-2019, 6,3 % des élèves de cette province fréquentaient l’école privée, dont 6,7 % au secondaire et 6 % au primaire.

Les élèves du privé subventionné représentent actuellement un coût pour l’État. Conséquemment, cesser de subventionner les élèves hors réseau commun générerait donc des économies. Reste à savoir si ces économies liées au non-conventionnement compensent les coûts additionnels liés au conventionnement.

Notre étude indique que 49,4 % des 119 932 élèves de niveaux primaire et secondaire du privé actuel rejoindraient le réseau commun.

En cessant de subventionner les écoles privées non conventionnées en 2018-2019, le gouvernement du Québec épargnerait 513 millions de dollars.

En revanche, les dépenses d’éducation afférentes aux élèves passant du réseau privé actuel au réseau commun engendreraient des coûts additionnels de 414 millions.

Ces résultats suggèrent qu’à terme, le réseau commun ferait économiser au net près de 100 millions de dollars par année au Trésor québécois.

Cette somme s’avérerait encore plus élevée si une plus grande proportion d’élèves demeurait à l’école privée non conventionnée.

Ces résultats s’avèrent intéressants, puisque nous envisageons habituellement les questions d’ordre économique comme un arbitrage entre équité et efficacité. Autrement dit, nous nous attendons à ce que promotion de l’égalité rime avec déficit budgétaire pour l’État. Pourtant, nos résultats suggèrent que tel n’a pas à être le cas.

En outre, notre analyse ne tient pas compte des bénéfices à long terme, sociaux, mais également économiques, d’une société plus équitable, dont un système scolaire favorisant l’égalité des chances constitue un pilier primordial.

Comme le rappelait récemment l’économiste de renommée mondiale Thomas Piketty : « Ce qui compte vraiment pour la prospérité économique, c’est l’éducation et l’égalité relative en éducation ».

Il s’agit d’une opportunité de taille pour le Québec, puisque la refonte proposée semble exempte du compromis entre promotion de l’équité et efficacité financière, auquel échappent pourtant peu de décisions à caractère économique.

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