La première mise à jour du Plan pour une économie verte présentée il y a quelques jours par le gouvernement du Québec nous rappelle l’ampleur du défi climatique auquel nous faisons face : avec 51 % des actions nous permettant d’atteindre nos cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) identifiées, la moitié du travail reste à planifier.

Nous croyons que nos gouvernements ont en leur pouvoir la clé pour assurer une transition écologique misant sur la capacité d’innovation maintes fois démontrée de l’économie québécoise : des mesures d’écofiscalité adaptées, efficaces et novatrices. On peut définir l’écofiscalité comme la mobilisation d’instruments économiques pour décourager des activités nuisant à la sauvegarde de notre environnement, mais aussi pour récompenser des comportements cohérents qui lui sont favorables. Ce faisant, les mesures écofiscales contribuent à internaliser les coûts environnementaux dans le prix des produits et services tout en appliquant le principe de pollueur-payeur. En permettant d’appliquer ces principes de la loi québécoise sur le développement durable, l’écofiscalité est un outil de choix pour catalyser une économie verte.

D’ailleurs, plusieurs mesures écofiscales sont déjà en place au Québec. Pensons notamment à la contribution des propriétaires de véhicules de promenade aux transports en commun ou à l’imposition de droits d’immatriculation additionnels⁠1 pour le moteur de plus de 4 litres.

La redevance à l’élimination est également une mesure écofiscale bien implantée au Québec et qui a contribué à l’essor de solutions de rechange de recyclage et de traitement des matières organiques.

Bien qu’elles constituent de bonnes mesures, elles sont souvent insuffisantes et ne font malheureusement pas l’objet des évaluations et des suivis qui sont nécessaires à la réelle portée de leurs effets bénéfiques. Par exemple, la contribution des propriétaires de véhicules de promenade aux transports en commun n’a pas été indexée depuis 1992. Les recommandations de Paul Lanoie, commissaire au développement durable au bureau du Vérificateur général du Québec, sont pourtant éloquentes au sens des bonnes pratiques et des mesures positives. Le recours aux mesures d’écofiscalité apporte non seulement des changements de comportement et des économies, mais il est nécessaire de se doter de meilleures façons d’évaluer ces mesures et de les mettre en place.

Le système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), notre marché du carbone commun avec la Californie, est une mesure d’écofiscalité phare pour la lutte contre les changements climatiques. Malgré cet outil sans pareil au Canada, le prix du carbone sur le marché n’a pas été assez élevé pour réduire les émissions de GES liées au secteur des transports, qui ne cessent de croître. En effet, les émissions produites par les camions légers à eux seuls ont connu une augmentation de 157,6 % entre 1990 et 2019.⁠2

Selon les propres prévisions du ministère de l’Environnement, le prix du carbone devrait atteindre 97 $ d’ici 2030, alors que la taxe carbone du Canada atteindrait 170 $ au même moment et que celle de la Suède est déjà de l’ordre de 155 $.

Ainsi, pour changer les comportements et freiner la hausse des émissions de GES produites par le secteur des transports, il faudra s’assurer que le signal de prix du marché soit suffisamment élevé.

Nous croyons aussi qu’il est essentiel que les données d’inventaire des émissions de GES du Québec soient comptabilisées plus rapidement et diffusées de manière plus fréquente afin de permettre un meilleur suivi et plus de transparence. Ces données d’inventaire devraient également être mises en relation avec l’évolution des plafonds d’émissions du SPEDE.

L’idée derrière la vision de Réseau Environnement d’un régime d’écofiscalité adapté à la réalité du mode de vie des Québécois est d’abord de suggérer des limites saines à certaines pratiques qui ne sont pas durables pour notre environnement. Nous aurons besoin d’audace.

1. Consultez le site de la SAAQ pour connaître le coût additionnel d’immatriculation selon la cylindrée 2. Consultez le document « GES 1900-2019 » du ministère québécois de l’Environnement Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion