Jean Charest effectue un retour en politique en briguant la direction du Parti conservateur du Canada. Comme l’indique son slogan, il se dit « bâti pour gagner ! ». Pourtant, un retour en politique n’est jamais assuré. Dans quelle lignée se situera Jean Charest ?

À 63 ans, Charest peut accomplir l’exploit : avoir été premier ministre du Québec et devenir le premier ministre du Canada. Les anciens premiers ministres provinciaux Robert Stanfield, conservateur de la Nouvelle-Écosse, et Brian Tobin, libéral de Terre-Neuve, n’y sont pas parvenus. La candidature de Bernard Lord, du Nouveau-Brunswick, à la direction du Parti conservateur a circulé dans le passé, mais ne s’est jamais concrétisée.

Il n’a pas été premier ministre de l’Alberta, mais Stockwell Day a occupé plusieurs ministères dans cette province, avant d’être élu chef de l’Alliance. Malgré son saut réussi sur la scène fédérale, Day n’est pas parvenu à détrôner Jean Chrétien en 2000, pas plus que Joe Clark, qui tentait un retour en politique, à la tête du Parti progressiste-conservateur.

Élu plus jeune premier ministre du Canada à 40 ans en 1979, Joe Clark a tenté un retour après s’être retiré de la politique, avant l’humiliante défaite du parti en 1993. À l’époque, deux députés, dont Jean Charest, ont survécu à la débâcle. Clark a effectué son retour à 59 ans, en 1998, et a gagné à nouveau la direction des progressistes-conservateurs, à la suite du départ de Charest pour la politique québécoise. Clark a été réélu député en 2000. Cependant, le parti a perdu trois sièges lors de l’élection et a quitté par la suite définitivement la politique en 2002. Son retour n’a pas été un succès, malgré son expérience.

Stephen Harper a également quitté la politique quelques années avant de réussir son retour. Élu député du Reform Party de Preston Manning à 34 ans en 1993, Harper n’a pas sollicité un second mandant en 1997 et prend la tête d’un groupe d’influence conservateur durant son retrait. Il ne reviendra en politique qu’en 2002 pour défaire Stockwell Day à la direction de l’Alliance. Il opère avec succès la fusion du Parti conservateur d’aujourd’hui. En 2006, il devient le 22e premier ministre du Canada.

Chez les libéraux fédéraux, Jean Chrétien a lui aussi quitté un temps la politique après sa défaite à la direction contre John Turner en 1984. Il démissionne de son siège de député en 1986 pour enseigner le droit. En réalité, Chrétien travaillait déjà à son retour, qu’il réussit en 1990 en battant Paul Martin à la direction. En 1993, il sera élu premier ministre, poste qu’il occupera pendant plus de 10 ans.

Robert Bourassa : retour réussi en politique

Sur la scène provinciale, Robert Bourassa, plus jeune premier ministre du Québec, élu en 1970 à l’âge de 36 ans, perdra les élections contre René Lévesque en 1976, et même son siège de député. Après un exil politique académique, qui l’amènera en Belgique, il gagnera à nouveau la direction libérale en 1983. Bourassa sera réélu premier ministre en 1985. Ironie du sort, il a gagné l’élection, mais pas son siège de député. Son retour réussi en politique est considéré comme le plus marquant de l’histoire québécoise.

Jean Charest suivra-t-il le même chemin que Robert Bourassa ? Il y a certes des ressemblances dans leurs parcours et on peut imaginer qu’il s’en inspire. Cependant, Jean Charest n’a pas préparé son retour comme Chrétien ou Harper. Aux dernières élections fédérales, par exemple, il n’a pas fait campagne aux côtés des conservateurs. Brian Mulroney, qui ne prépare probablement pas son retour, a lui fait campagne avec Erin O’Toole.

Jean Charest devra surtout éviter l’écueil des retours ratés de Joe Clark et de Gilles Duceppe. Ce dernier a tenté un retour en politique, à l’appel de Mario Beaulieu en 2015. Petite similitude avec l’appel du lieutenant politique conservateur du Québec, Alain Rayes, à Jean Charest pour qu’il se lance dans la course.

La notoriété de Duceppe ne l’a pas protégé contre la vague orange de 2011 durant laquelle il a perdu son siège de député, avec 43 de ses collègues du Bloc. Il ne parviendra pas à regagner son siège en 2015, malgré que son parti soit passé de 4 à 10 élus. Duceppe peut cependant se réconforter avec le passage du flambeau à son fils, aujourd’hui député.

Gare à ceux qui voudraient inclure le retour politique de Denis Coderre et sa réélection ratée à la mairie de Montréal dans l’analyse. Aucune comparaison possible. Jean Charest est dans une autre ligue.

Lors de la dernière course à la direction conservatrice de 2020, Jean Charest avait passé son tour. Le 10 septembre prochain, nous saurons si la première étape de son retour est réussie, 10 années après son retrait de la politique. En 2012, il avait perdu le gouvernement et son siège, comme un certain Robert Bourassa.

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